Top Ege : Chapitre 1 - Révéil étrange

 

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À peine les yeux ouverts, sa vision floue se concentra progressivement, jusqu'à se fixer sur une lumière blanche éblouissante.

Son cerveau redémarrait, mais lentement. Trop lentement. Comme un vieux système d'exploitation qui rame à charger les fichiers trop lourds.

Bougeant ses doigts, il ne sentit aucune gêne au niveau de son corps.

Shen Siwei se redressa lentement hors de la capsule cryogénique. Son esprit reprenant peu à peu ses fonctions normales, la question cruciale surgit enfin :

Où suis-je ?

— Tu es réveillé.

Une voix familière se fit entendre et le monde autour de lui devint instantanément plus clair. L'homme portait un uniforme militaire noir que Shen Siwei connaissait par cœur. Il jeta un coup d'œil au grade sur l'épaule et remua les lèvres avec hésitation, indécis.

— Capitaine Moran ?

Sa voix rauque, étouffée par un masque à oxygène, rendait tout un peu irréel. Il leva la main pour le retirer, mais Moran lui attrapa le poignet.

— Colonel, désormais.

Il relâcha sa prise et ajouta :

— Ne retire pas le masque.

Un inconnu, planté près du panneau de contrôle, intervint :

— Vos voies respiratoires ont été endommagées dans l'explosion. Ajoutez à cela une cryostase de vingt ans, et votre système cardiopulmonaire est... disons, délicat.

Vêtu d'une blouse blanche, rondouillard, l'homme ressemblait à un scientifique tout droit sorti d'un laboratoire. Ce qu'il était probablement.

Ah oui, c'est vrai, l'explosion.

La mémoire de Shen Siwei s'était figée au moment de l'explosion de la bombe. La puissante onde de choc et la chaleur torride l'avaient englouti et il s'était cru condamné. En repensant à cela, il baissa la tête, découvrant qu'il était complètement nu et qu'il n'y avait aucune trace de brûlure sur sa peau pâle. Son corps avait été entièrement restauré.

— Et mon équipe ? s'enquit-il en relevant la tête vers Moran.

Celui-ci répondit par une autre question :

— Tu ne te souviens pas ?

Il le couvrit d'une cape blanche posée sur son bras, puis expliqua calmement :

— Ta dernière mission a mal tourné. Toute ton unité a été décimée. Tu es le seul survivant.

Un mal de tête le saisit aussitôt, comme un écho de cette mission oubliée. Shen Siwei fronça les sourcils, s'efforçant de se souvenir.

— Quelle mission ?
— Peu importe, répondit Moran, doucement. C'était il y a vingt ans. Ce qui compte maintenant, c'est l'avenir.
— Vingt ans...

Shen Siwei resta bouche bée.

Avec les progrès médicaux, vingt ans n'étaient pas forcément si longs. Mais c'était tout de même vingt ans.

Moran, lui, semblait presque identique. Hormis une mèche blanche qui tombait sur son front, il n'avait pas changé. Pas vieux, juste plus mûr.

Jetant un coup d'œil autour de lui, Shen Siwei remarqua plusieurs appareils inconnus.

Un monde qui n'était plus le sien.

— Selon le protocole, le docteur Chen devait attendre d'avoir réparé ta fonction cardiopulmonaire avant de te réveiller, expliqua Moran. Mais la situation a changé et nous avons besoin de toi pour une mission urgente.

Envoyer un soldat tout juste sorti de stase sur une mission ?

Urgence, en effet. Mais pour Shen Siwei, ancien capitaine des opérations spéciales, les missions périlleuses étaient une vieille habitude.

— De quelle mission s'agit-il ?
— Docteur Chen.

Moran hocha la tête vers le scientifique et plusieurs vidéos s'affichèrent en l'air ; des combats de rue, le recul de la police, des émeutiers prenant possession de la ville. Shen Siwei fronça involontairement les sourcils.

— Où est-ce ? 
— Z City, District inférieur Ouest.

Le district inférieur. Une zone à l'intérieur de l'Arbre de vie appartenant à des civils.

Il y a plus de cent ans, alors que l'environnement de la Terre se détériorait et que l'humanité faisait face à une crise énergétique, ils avaient construit un Arbre de Vie massif. Ça n'avait pas la forme d'un arbre réel, mais plutôt d'une fontaine de champagne*, avec un total de quatre niveaux. Le niveau inférieur était la zone de vie des gens ordinaires, le deuxième, le centre militaire, le troisième, le centre administratif et le niveau supérieur était la centrale énergétique qui soutenait le fonctionnement de l'ensemble de l'Arbre.

Le niveau inférieur avait été divisé en quatre régions ; sud-est, nord-ouest, sud-ouest et nord-est. Les villes de chaque région avaient été triées par ordre alphabétique en fonction de leur emplacement géographique. Celles répertoriées avaient des noms commençant par "Z", car elles étaient situées au bord de l'Arbre de Vie, à côté du rude désert à l'extérieur de sa zone.

L'énergie était extrêmement précieuse, c'est pourquoi il n'y avait pas de prisons au sein de l'Arbre. Tous les criminels, quelle que soit la gravité de leurs crimes, étaient bannis à l'extérieur pour se débrouiller seuls jusqu'à la fin de leur peine, moment où ils pouvaient retourner dans l'Arbre. Ces criminels étaient appelés "réfugiés", et d'après les vidéos, il n'était pas difficile de comprendre que c'étaient eux qui avaient pris possession des villes à la périphérie.

— Comment ont-ils réussi à percer le système de défense ? questionna Shen Siwei en décollant son regard de la vidéo.

Les défenses du niveau inférieur étaient réputées impénétrables, il avait du mal à imaginer qu'un groupe de criminels lambda aient pu en venir à bout.

— Regarde ça.

Moran lui présenta une autre séquence vidéo où un homme extrêmement agile dont les mouvements dépassaient même la vitesse des balles. Une fois le système de défense à court de munitions, l'homme avait visé la caméra et appuyé sur la gâchette ; la petite vidéo se termina là.

Cet homme était vraiment incroyable.

— Qui est-ce ? demanda Shen Siwei.
—  Klet, rétorqua Moran, leader des réfugiés, sa véritable identité est actuellement inconnue.

Le soldat fronça légèrement les sourcils.

— Aucun casier judiciaire ?

Moran secoua la tête.

— Aucune donnée sur lui. Il n'existe nulle part.

Un inconnu complet, et pourtant, une présence si forte que même à travers un écran, elle semblait palpable.

Shen Siwei avait croisé de nombreux criminels impitoyables, mais rarement rencontré quelqu'un avec une telle aura.

— La mission urgente...

Il marqua une pause.

— Son assassinat ?

À peine ces mots prononcés, il réalisa que ça n'avait aucun sens. Ses fonctions cardiaques et pulmonaires étaient altérées et ses capacités de combat n'étaient certainement plus ce qu'elles étaient. À moins qu'il n'y ait plus aucun soldat au centre, aucune mission ne lui serait assignée.

Moran interrompit le fil de ses pensées.

— Pas l'éliminer. Enquêter.

Une projection de la structure de l'Arbre de Vie apparut entre eux, remplaçant les vidéos. Les zones tombées aux mains des réfugiés étaient marquées en rouge, Moran zooma sur celles-ci.

— Si on coupe l'énergie, on reprend le contrôle. Sauf que ... 

Il élargit l'image sur un bâtiment et son expression devint grave.

— La centrale électrique du quartier ouest de Z City ne répond plus à nos commandes.

Le pouvoir appartenait toujours au sommet, c'était le principe même du système. Une immense fontaine de champagne où l'énergie ne débordait vers le bas que lorsque les besoins des niveaux supérieurs étaient satisfaits. Ces derniers contrôlaient l'approvisionnement en énergie, c'était la base de l'Arbre de Vie. Si les niveaux inférieurs devenaient autonomes, le pouvoir dirigeant des aristocrates serait menacé.

Comparé à une futile chasse aux réfugiés, il était, en effet, plus important d'enquêter en profondeur sur Klet.

Shen Siwei avait compris la mission, et pour la première fois, il ressentait une certaine pression.

— Colonel, êtes-vous sûr que je peux accomplir cette mission dans mon état ? 
— Sûr, non, admit Moran. Mais tu es le meilleur candidat.

Le docteur Chen intervint :

— Vous n'êtes pas un soldat ordinaire. Votre peau est à l'épreuve des balles, vos muscles surpassent les prothèses mécaniques. Vous êtes littéralement une arme.
— Mais qu'en est-il du masque ? s'inquiéta Shen Siwei

Il ne pouvait pas porter une bouteille d'oxygène sur son dos pendant sa mission, n'est-ce pas ?

Instinctivement, il chercha un tube à oxygène, mais constata que le masque en métal était attaché indépendamment à sa bouche et à son nez, sans tube en dessous et sans sangles derrière sa tête.

— Il n'y a pas de tuyau, sourit Chen. Le masque est autonome, il tient grâce à des microparticules magnétiques. Vous n'avez qu'à changer la capsule quand elle est vide. Bien sûr, lorsque vous n'êtes pas actif, vous pouvez le retirer, mais dès que vous ressentez des difficultés à respirer, assurez-vous de vous oxygéner à temps...

Shen Siwei écoutait patiemment ses recommandations, mais Moran, à ses côtés, n'avait manifestement pas la même patience. Ignorant complètement le scientifique, il reprit :

— Avant toi, j'ai envoyé deux équipes pour enquêter sur la situation, mais aucune d'entre elles n'est revenue. Ces réfugiés sont extrêmement dangereux. Même si tu es actuellement l'arme la plus avancée de l'armée, je ne peux pas m'empêcher de m'inquiéter.

Le soldat haussa subtilement un sourcil.

Il n'avait pas pensé que Moran le définirait comme une arme.

— Alors, cette fois, tu dois te déguiser.
— En réfugié ? s'enquit le capitaine.
— Non, en négociateur Marg*, l'éclaira son supérieur.

Shen Siwei saisit immédiatement son raisonnement. S'il y avait une identité capable de rendre les réfugiés méfiants, ça ne pouvait être que celle-ci. S'ils osaient blesser un noble, toute la zone risquait d'être rasée. D'un autre côté, ils ne pouvaient pas envoyer des Marg dans des endroits aussi dangereux, quelqu'un devait donc se faire passer pour l'un des leurs. Les autres soldats n'ayant pas un corps modifié comme le sien, ne pouvaient pas se protéger face à un important nombre de réfugiés en cas de problème. Il était donc effectivement le seul candidat possible.

Entre ses capacités et sa couverture de noble, même si une situation inattendue se présentait, il serait en sécurité.

— Tu n'as pas à te soucier du déguisement, ajouta Moran, je m'en suis occupé.

Il claqua des doigts et un robot apporta un miroir. Ce n'est qu'à ce moment que Shen Siwei prit conscience de son apparence. Ses cheveux et pupilles, autrefois noirs, étaient respectivement devenus dorés et bleus. Sa peau claire était délicate et ses beaux traits avaient acquis une touche de douceur. Le visage était toujours le sien, mais le ressenti était complètement différent.

— Les cheveux et les yeux peuvent changer de couleur à volonté, expliqua le docteur Chen.

Le regard de la beauté dans le miroir passa immédiatement du bleu au vert.

— Laquelle préfères-tu ? demanda Moran en se frottant le menton, le regard brillant d'intérêt. La couleur des cheveux et de la peau était mon idée. Parmi les marg, il y en a beaucoup avec les cheveux dorés et puis, la peau pâle te rend plus délicat, ce qui peut amener les réfugiés à baisser leur garde face à toi.

Shen Siwei avait effectué diverses missions d'infiltration et était habitué à changer d'apparence, mais en regardant la beauté délicate dans le miroir, il se sentait toujours un peu mal à l'aise. Il avait l'étrange sentiment que son corps ne lui appartenait plus et qu'il était devenu une propriété militaire.

— Les deux me vont, répondit-il.
— Dans ce cas, bleu. J'aime le bleu, déclara Moran, laissant le docteur Chen ajuster la couleur de l'iris. Je vais t'emmener dans ta chambre pour que tu puisses te reposer, tu partiras dans l'après-midi.

Alors que Shen Siwei regardait la main tendue vers lui, une nouvelle vague de malaise le traversa.

Ce n'est pas parce qu'il avait l'air fragile qu'il avait besoin de quelqu'un pour le soutenir. 

Moran fit un pas... et le souleva dans ses bras.

— Colonel ?

Les yeux de Shen Siwei s'étaient écarquillés sous le choc et il sauta rapidement des bras de Moran, la cape blanche tombant au sol, exposant tout son corps.

Les lèvres de Moran se raidirent légèrement.

— Qu'est-ce qui ne va pas ?

Shen Siwei s'efforça de se rappeler de ce qui avait pu se passer entre lui et le colonel pour que ce dernier le porte ainsi, naturellement. Mais dans son esprit, ils n'étaient que des supérieurs et subordonnés ordinaires.

— On était amants, tu ne te rappelles pas ?

Le regard brûlant de l'homme s'ancra dans les yeux du capitaine, le faisant douter de sa propre mémoire.

Comment pouvait-il être en couple avec son supérieur ?

— Je suis désolé, rétorqua-t-il, perplexe, il semble que je n'en ai aucun souvenir.

Moran soupira, impuissant.

— Ce n'est rien. C'est normal que tu ne t'en souviennes pas après l'explosion.

Ses yeux débordaient de déception, Shen Siwei pinça les lèvres, ne sachant pas comment répondre.

— Suis le guide AR, des vêtements t'attendent dans la chambre. Je reste ici avec le docteur Chen.

Shen Siwei hocha la tête et agrippa fermement les bords de la cape, sortant du laboratoire pieds nus.

Une fois sa silhouette disparue derrière la porte, Moran changea d'expression, la déception dans ses yeux semblant n'avoir jamais existé. Il regarda froidement le docteur Chen.

— Pourquoi les faux souvenirs n'ont pas pris ?

Le docteur Chen suait à grosses gouttes.

— Colonel, c'est encore une nouvelle technologie. Donnez-moi un peu plus de temps. 
— Shen Siwei est de nature indépendante, vous devez vous assurez qu'il m'écoute et me reste fidèle.

*Fontaine de champagne : Imaginez une pyramide faite de coupes de champagne, bien alignées les unes sur les autres. On verse le champagne tout en haut, et le liquide déborde pour remplir les étages inférieurs. Plus on est en haut de la pyramide, plus on boit en premier et plus on est en bas, plus on espère qu’il en restera une goutte. C’est élégant en mariage, moins drôle quand c’est un système social.

*Les nobles Marg, vivant au niveau supérieur de l'Arbre de Vie, sont ceux qui en ont véritablement le contrôle.

*Pour les prénoms : Je ne sais pas si ça vient de l'auteur, donc de la VO, mais dans la version anglaise, il y avait pas mal de soucis avec certains termes ou prénoms (par exemple Moran qu'on voyait souvent en Morgan), du coup, j'ai tranché seule, vu qu'il n'y a pas assez de sources.

Honnêtement et avec tout le respect que j'ai pour 空菊, ce n'est pas sa meilleure histoire (niveau plot et de son développement), mais j'ai adoré la dynamique entre Klet et Shen Siwei. Ils m'ont rendu le sourire une nuit où je n'étais pas bien et c'est pour ça que j'ai décidé de traduire cette histoire. J'espère qu'elle pourra faire sourire d'autres personnes.

 

 

 

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