Top Edge : Chapitre 15 - Tu l'as planqué dans ton pieu ?!
Au bout d'une ruelle sinueuse se trouvait un salon de coiffure discret. À l'entrée, trois poteaux lumineux aux couleurs blanche, rouge et bleue, emblèmes traditionnels des barbiers, clignotaient faiblement.
Les lampes allumées indiquaient que le salon était ouvert, mais à travers la vitre, l'intérieur semblait plongé dans le noir, comme abandonné. Les passants trouvaient étrange qu'un salon affiche ses couleurs tout en gardant sa porte close. Seuls les habitués savaient que l'atelier se trouvait en réalité au sous-sol.
— Fais claquer tes doigts, pour voir s'il y a du délai.
Maiken retira la lampe frontale de son front et posa le détecteur de tension sur une étagère voisine. Celle-ci croulait déjà sous une panoplie d'outils, pistolets à souder, forets en alliage, pinces...
Le client allongé sur la chaise chirurgicale remua les doigts. Les phalanges mécaniques bougèrent avec une dextérité impressionnante ; encore mieux que des mains humaines.
— Pas étonnant que tu sois le meilleur mécano. Merci, lâcha-t-il d'un ton détaché, prêt à filer.
Mais Maiken l'arrêta net :
— Et la facture ?
L'homme à la main mécanique fit volte-face, arqua un sourcil, et dit :
— Barn a dit que c'était gratuit.
— Quoi ? Maiken inclina la tête.
Le client leva son bras droit, déploya ses cinq doigts vers l'avant, puis les ouvrit en éventail vers le bas, révélant cinq balles argentées logées à l'intérieur. Ces projectiles, après avoir été tirés, pouvaient être récupérés par magnétisme, une fonction que Maiken venait tout juste d'ajouter.
— Tu veux dire quoi, là ? demanda-t-il d'un ton glacé. Tu veux pas payer ?
—
On est des frères, répondit l'autre d'une voix mielleuse, sans pour
autant baisser les doigts braqués sur lui. Parler d'argent, c'est
mauvais pour les liens.
Maiken resta silencieux un instant, puis dit :
— Très bien.
La seconde suivante, les lumières de la salle d'opération s'éteignirent. Un éclair métallique fendit l'obscurité. Un cri strident retentit.
Les cinq balles argentées furent propulsées dans tous les sens, ricochant dans l'espace confiné sans jamais toucher leur cible. Puis, d'autres éclairs glacés jaillirent, accompagnés de hurlements.
Quand la lumière revint, le client gisait au sol, le bras droit, entièrement mécanique, arraché.
Maiken rengaina son scalpel, observa les instruments bousillés par les balles et lâcha un « tsk » agacé.
À cet instant, la main gauche du client surgit avec un pistolet, pointé droit sur lui.
— Crève, espèce d'enfoiré !
Un coup de feu éclata, le crâne du client explosa net. Il s'effondra, le corps réduit à une bouillie de chair et de circuits.
Une silhouette imposante émergea du couloir et rangea son arme encore fumante.
— Boss ! s'écria Maiken en fixant le désastre au sol.
Il semblait au bord du désespoir.
— Tu te rends compte du bordel que c'est à nettoyer ?
Klet s'enfonça dans la pièce sans même se retourner.
— Je t'ai sauvé la vie. Tu vas pas râler en plus ?
Maiken ronchonna dans son dos.
— J'aurais pu gérer tout seul.
Mais soudain, il tiqua, laissant tomber l'affaire du cadavre et suivant Klet jusque dans sa chambre.
— J'ai entendu dire que t'avais couché avec le négociateur.
— Faux.
Le brun ôta son t-shirt taché de bière et se sécha rapidement le torse dans la salle de bain.
— Avis l'a vu de ses propres yeux, insista l'autre, collé à ses basques. Après tous nos efforts pour le retrouver, tu l'as planqué dans ton pieu ?!
Sa voix sonnait comme un reproche, mais il y avait dans son ton une excitation curieuse, comme s'il venait de tomber sur un scoop juteux.
— J'ai rien planqué du tout, soupira Klet en sortant, jetant la serviette au hasard. Il est venu tout seul chez moi.
— J'y crois pas une seconde.
Maiken ricana.
— Toi, mentir pour cacher quelqu'un ? Chapeau, patron.
Son leader, lessivé, abandonna tout effort d'explication et se laissa tomber sur le lit une place.
— Mais pourquoi t'es venu ici en pleine nuit ?
Maiken se caressa le menton, l'air songeur.
— Tu t'es fait virer parce que t'as pas su le satisfaire ? Tu veux que je t'apprenne deux-trois astuces ?
Klet lui balança un oreiller en pleine face.
— Ferme-la, j'en peux plus de tes conneries.
Mais Maiken continua, l'oreiller dans les bras :
— Et si ce négociateur était venu dans le seul but de te séduire, t'y as pensé ?
Silence. Puis, quelques secondes plus tard :
— Qu'est-ce qu'il cherche, ce mec au juste ?
— Aucune idée, rétorqua Klet, croisant les bras derrière la tête. Peut-être la centrale. Ou moi.
— Mais t'as pas dit qu'il est tout fragile ?
Maiken fronça les sourcils.
— Comment il ose enquêter sur toi ?
— J'en sais rien.
Le leader haussa les épaules.
— En tout cas, je compte pas coucher avec lui.
— Pfff... Chiant, grommela Maiken.
Il fixa son patron allongé paresseusement et s'exclama :
— Attends... T'es sur mon lit, là.
— Il a pris le mien, donc ce soir, je dors ici.
— Et moi alors ? protesta Maiken. Je dors où ?
— Sur le canapé.
— Pardon ?! Il dort dans ton lit et toi tu dors dans le mien ?
Avant qu'il ait fini sa phrase, le téléphone de Klet sonna.
— C'est Barn.
Il se redressa d'un coup, l'air grave. Il lança à Maiken :
— Va t'occuper du corps.
⸻
De retour chez Klet, Shen Siwei observait par l'œilleton grand angle. Dans le couloir, trois à cinq hommes montaient la garde.
Il devina que d'autres devaient surveiller la fenêtre au bout du couloir, prêts à l'empêcher de fuir par le balcon.
En réalité, il n'avait pas prévu de sortir cette nuit. Mais la visite d'Avis avait changé la donne.
Obtenir des infos sur Klet auprès des autres semblait bien plus simple que de lui tirer les vers du nez lui-même.
C'était risqué, très risqué même, et Klet finirait sûrement par flairer ses intentions. Mais il ne pouvait plus se permettre de perdre du temps.
Il écarta le rideau et jeta un œil en bas. Les hommes du brun gardaient l'entrée, mais ne levaient pas la tête. Une ouverture.
Shen Siwei hésita, puis composa l'ID de communication de Moran.
— Colonel, j'ai besoin de votre aide.
Aller parler à Avis directement n'était peut-être pas la meilleure option. Il préférait passer par les bars et zones de détente, interroger quelques réfugiés à la volée.
Même s'il ne récoltait pas d'infos précises, il obtiendrait au moins une idée générale de qui était Klet.
Petit hic, tout le monde avait vu sa tête à la télé. Avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, impossible de passer inaperçu.
Il avait songé à acheter de la teinture et des lentilles, mais pas moyen de commander quoi que ce soit en ligne avec les hommes de Klet qui montaient la garde.
Il n'eut d'autre choix que de demander à Moran de modifier directement sa couleur de cheveux et d'yeux.
Les pas de son supérieur résonnaient à l'autre bout du fil , il devait déjà être en route vers le labo.
— On n'a pas besoin d'être si formels, tu sais.
Shen Siwei serra les lèvres.
— Hm.
— Pourquoi tu veux aller fouiner dans la foule tout d'un coup ? demanda Moran. T'auras peut-être pas plus d'infos que nous.
—
Parce que les infos de l'armée sont inutiles, répondit-il. En demandant
directement aux gens, je tomberai peut-être sur un truc concret.
— Soit. Moran soupira. Mieux vaut prendre les devants que subir. Mais fais attention à toi.
Le bruit d'un ascenseur s'ouvrit à l'autre bout. Il entrait dans le laboratoire.
— Tu veux que je te transforme en quoi ?
— N'importe quoi, du moment que je passe inaperçu.
— Dans ce cas...
Moran réfléchit.
— Reprends ton apparence d'origine.
Shen Siwei leva instinctivement les yeux vers le miroir. Sa chevelure dorée se ternit peu à peu, ses yeux bleu pâle s'assombrirent.
— Il faut environ une minute pour que la couleur claire devienne noire, expliqua Moran. Au fait, t'as appris quoi jusque-là ?
Le chef des bandits aimait regarder des dessins animés, mais il ne savait pas si cette information avait la moindre utilité.
Il ne put s'empêcher de repenser à ses interactions avec Klet. Cet homme ne semblait pas aussi terrible que ce que l'armée en disait.
Il avait sauvé des femmes harcelées par des réfugiés, et avait même risqué de se blesser pour récupérer son masque.
Il était toujours impatient, c'est vrai, mais il avait cédé son propre lit pour qu'il puisse dormir.
En y repensant, il réalisait même pourquoi Klet avait attaqué l'Arbre de Vie. Et ça, c'était une information précieuse à transmettre à Moran.
Mais quand il ouvrit la bouche, il dit simplement :
— Non.
Il n'avait pas envie de dire quoi que ce soit à son supérieur pour l'instant. Ce n'était pas à cause de Klet, mais d'un sentiment confus en lui, une inclination inexplicable.
— Alors fais ton rapport quand tu auras du nouveau, répondit Moran, sans le moindre doute dans la voix. Les couleurs ont changé ?
Shen Siwei jeta un nouveau coup d'œil dans le miroir, le blond et le bleu pâle avaient disparu, remplacés par un noir pur, sans la moindre nuance.
Mis à part la couleur de peau qui tranchait encore nettement avec son apparence d'avant, ce que lui renvoyait le miroir, c'était bel et bien son visage familier.
Tu vois que les "interrogatoires" fonctionnent 😌

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