Top Edge : Chapitre 22 - Dominance Apicale

 

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Lorsque Shen Siwei se réveilla, il faisait déjà grand jour.

Il s'assit, se frottant l'arrière de la tête en se remémorant la soirée de la veille, réalisant qu'il s'était endormi à côté de Klet, complètement sans défense. Contrairement à son sommeil forcé précédent, la veille tout avait été naturel. Il était tout simplement fatigué.

Mais ça n'aurait pas dû arriver.

Après tout, en tant que négociateur et leader des réfugiés, Klet et lui étaient en opposition directe. Si Moran découvrait qu'il avait dormi si confortablement dans le « camp ennemi », il serait probablement considéré comme un traître.

Était-ce à cause du dessin animé ?

Difficile de rester sur ses gardes en regardant Bob l'éponge.

Ne voyant pas d'autre explication, il décida de blâmer l'éponge carré.

Au sous-sol du salon de coiffure, Maiken frotta sa nuque endolorie en se relevant du canapé, jetant un coup d'œil à Klet, allongé sur le lit, regard fixé sur les images de vidéosurveillance.

Il grogna, mécontent :

— Patron, tout est réglé maintenant. Pourquoi t'es toujours pas rentré ?

Les subordonnés de Barn s'étaient rassemblés sur la place, créant un sacré bordel, mais dès que Klet était apparu, les plus bruyants avaient instantanément fermé leur gueule.

Ici, il n'y avait pas de règles, seul comptait la loi du plus fort.

Peut-être que ces types avaient enfin compris que si Klet n'avait pas liquidé Barn plus tôt, ce n'était pas par peur de ses nombreux partisans, mais parce qu'il avait besoin d'hommes pour attaquer l'Arbre de Vie.

Il avait toléré les conneries de Barn temporairement.

Les protestations terminées, au lieu de rentrer chez lui, le jeune leader était resté chez Maiken.

— Si je suis à côté de lui, la personne qui l'aide ne se montrera probablement pas, dit-il calmement, les yeux toujours collés aux images de Shen Siwei s'étirant.
— Donc là, tu mates quelqu'un qui dort ? lança son subordonné, un sourcil levé.
— On appelle ça de la surveillance.
— Mouais, si tu veux... bâilla Maiken. Tu crois vraiment que ce mec va se montrer ?
— Aucune idée. Il ressemble un peu au gars que j'ai vu au bar et si c'est bien lui, il n'est pas ici sans raison. Il doit être en mission.
— Mais ton négociateur, il est pas en danger, là. Donc l'autre risque de jamais se pointer.

Klet garda le silence un instant.

— On va voir, soupir a-t-il.

Pris d'une petite faim, Shen Siwei se leva ; à sa grande surprise, deux paires de chaussons étaient posées par terre.

S'il se souvenait bien, ces pantoufles avaient disparu quand Klet l'avait jeté sur le canapé, la veille, ce qui signifiait que non seulement ce dernier l'avait porté jusqu'au lit, mais qu'en plus, il avait retrouvé les chaussons pour lui.

L'un était tourné vers l'intérieur, l'autre retourné. Typiquement Klet ;  prévoyant, mais pas trop.

Shen Siwei les enfila, inspirant profondément, puis se traîna jusqu'à la cuisine ; trois pas, pause, cinq pas, pause. Sans son masque à oxygène, il pouvait bouger, mais ça le fatiguait rapidement.

Il songea à acheter des bouteilles d'oxygène en ligne pour résoudre le problème immédiat, mais si Klet tombait dessus, il comprendrait que l'histoire de «l'agent calmant» n'était qu'un bobard. Et vu que le masque était désormais entre les mains de Maiken, ce dernier pouvait aussi découvrir la supercherie...

— C'est pénible.

Assis à la table de la cuisine, son souffle retrouvant un rythme plus stable, il ouvrit un site d'achat en ligne pour chercher un dispositif d'inhalation discret. C'est alors qu'il entendit le bruit du code d'entrée.

Un déclic.
La porte s'ouvrit.

Mais au lieu de la silhouette massive attendue, c'est un jeune homme au visage familier qui entra. Shen Siwei leva un sourcil.

Avis.

Celui qui avait eu un accrochage avec son hôte ici même, à cause de sentiments à sens unique et qui avait fait circuler la rumeur de sa nuit dans le lit de ce dernier.

— Où est Klet ? demanda Shen Siwei.

Rien de plus normal comme question ; ici, il ne connaissait que Klet, voir un inconnu entrer comme chez lui, justifiait un minimum de curiosité.

Mais l'autre répondit avec sarcasme, peut-être par jalousie :

— Tu peux pas vivre sans lui ou quoi ?

Le blond connaissait l'hostilité d'Avis, mais s'en fichait. Après tout, ils n'étaient pas réellement rivaux en amour.

Pourquoi se battre pour Klet ?

— Qu'est-ce que tu veux ? demanda-t-il calmement.
— Il pouvait pas venir, il avait un truc à faire, répondit finalement Avis en s'asseyant en face de lui. Il m'a demandé de te protéger.

Cette phrase sonnait étrangement aux oreilles de Shen Siwei. D'après Klet, son acolyte devait être redoutable, assez fort pour avoir tué Barn, un homme aux modifications mécaniques. C'était dangereux et il avait envoyé Avis ?

Une mission suicide, alors.

Ou bien le jeune jaloux était lui aussi une arme redoutable, ou bien son leader l'envoyait sciemment à la mort.

Mais Shen Siwei connaissait Klet — un peu — et doutait qu'il soit du genre à faire ça.

— Tu vas pas me souhaiter la bienvenue ? provoqua Avis.

Il chassa ses pensées parasites.

— T'as mangé ? demanda-t-il. Y a de la bouffe dans le frigo.

Ton neutre, presque aimable.

Avis sembla se dégonfler, telle une baudruche. Hésitant, il marmonna :

— Pas besoin de t'en soucier.

Shen Siwei retourna donc à ses achats en ligne, mais l'autre relança assez vite, brisant le silence.

— Et les négociations, ça avance ?
— Pas vraiment, répondit le blond en achetant quelques vêtements basiques.

Il portait toujours le peignoir du bain public.

— Quelles conditions vous proposez ?
— Demande à Klet.
— Je te demande à toi. Vous comptez filer la ville aux réfugiés ?

Le doigt de Shen Siwei s'arrêta sur l'écran. À part Klet, personne n'avait utilisé le mot « réfugiés » ainsi ; Avis venait de se positionner. Il n'était ni avec les civils, ni avec les Marg, ni avec les réfugiés. Il traçait sa propre frontière.

— Je représente la justice, répondit le négociateur.
— Tu connais la « dominance apicale* » en botanique ?.
— Le bourgeon apical pousse plus vite ?
— Non, il empêche les autres de pousser, expliqua Avis.
— Donc t'as un problème avec les Marg.
— Regarde ce que vous avez fait ! La « Déclaration de non-procréation », c'est bien pour vous arranger ? Moins de civils, moins de consommation et vous vous servez de cette règle absurde pour garder le pouvoir.
— Les Marg non plus ne se reproduisent pas, c'est équitable.

Le débat tournait en rond, Avis changea d'angle d'attaque :

— Et les réfugiés qui ont attaqué l'Arbre de Vie ? Vous foutez quoi pour régler ça ?
— L'armée gère.

À ce moment précis, Shen Siwei comprit qu'il n'était ni Marg, ni réfugié, ni civil, mais voulait déclencher une guerre totale entre militaires et réfugiés.

Telle une confirmation immédiate, Avis sortit une arme et tira sans hésiter. Mais ayant anticipé, il balança la table à manger pour faire écran, roula en arrière, percutant un placard. L'autre, heurté par la table, s'écrasa au sol, les jambes coincées.

Shen Siwei haletait, gardant un œil sur Avis dont l'arme était tombée. Ce dernier tentait de se dégager en vain, des os probablement brisés.

Et ce, alors que Shen Siwei n'avait utilisé que 10 % de sa force. Avec son masque, ce coup aurait été mortel.

Le silence pesait, entre souffles haletants et craquements de meubles.

La porte s'ouvrit soudain, une silhouette mince accourant vers Avis :

— Grand frère !

Knock était en train de muer, sa voix déjà plus grave.

Shen Siwei n'était pas surpris par sa présence, il s'y attendait.

— T'occupe pas de moi, grogna Avis. Va chercher le flingue !
— Klet est déjà en bas ! paniqua Knock. On devrait peut-être...
— Dépêche-toi !

Le gamin, hésitant, ramassa l'arme, la pointant vers Shen Siwei.

— Négociateur, j'ai rien contre toi... c'est juste que t'étais là, au mauvais moment...
— Ferme-la ! hurla son complice.

Klet et Maiken apparurent alors à l'entrée, le second dégainant pour viser Knock.

Avis, voyant la fin approcher, sortit une petite bombe.

— Dans ce cas, on crèvera tous ensemble.





*Dominance apicale : Imaginez une grande plante. La tige du haut, la « chef » de toutes les autres, monopolise la lumière et les nutriments. Tant qu’elle pousse bien, elle empêche les branches plus basses de trop s’épanouir. C’est pratique pour la plante, moins pour celles et ceux coincés à l’ombre, qui doivent attendre qu’on coupe la tête pour enfin respirer. L'image utilisée par Avis pour décrire les Margs est claire, simple et parlante.

 

 Avis tu peux pas mêler business et sentiments.

 

 

 

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