Top Edge : Chapitre 23 - Rossignols

 

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Quand il avait été enlevé par Barn sans que Klet intervienne, Shen Siwei avait vite compris qu'il y avait un problème avec Knock.

Ils étaient voisins depuis des années, impossible qu'il ne possède pas les coordonnées du jeune leader. S'il l'avait contacté à temps, Barn n'aurait jamais eu l'occasion de l'emmener jusqu'au club de strip-tease, Klet l'aurait probablement intercepté en chemin.

Mais il n'avait appris l'enlèvement qu'en rentrant chez lui, preuve que Knock ne l'avait pas prévenu.

Après y avoir bien réfléchi, Shen Siwei n'était arrivé qu'à une seule conclusion : le gamin n'était pas du côté de Klet.

Et pourtant, il ne semblait pas non plus être du genre à s'allier à Barn.

Alors quelles étaient ses véritables intentions ?

Depuis son arrivée aux niveaux inférieurs, deux forces avaient tenté de lui nuire, Barn, ouvertement hostile, et une autre, tapie dans l'ombre, qui cherchait carrément à l'éliminer.

Au départ,  avec Moran, ils pensaient qu'il s'agissait juste de criminels opportunistes, mais après avoir appris la position d'Avis, tout s'était éclairé.

En quittant le club, Shen Siwei avait songé à dénoncer Knock, qui le filait. Mais pourquoi mêler un gamin de douze ou treize ans à tout ça ? Il avait préféré l'ignorer.

En temps normal, il n'hésitait pas à frapper le premier, mais Knock était si maladroit qu'il n'avait même pas pu le suivre correctement, n'ayant probablement fait que traîner aux abords du club pendant toute l'affaire.

— Ne tire pas !

Klet avait saisi le bras de Maiken.

Presque par réflexe, Shen Siwei s'était jeté en avant, rassemblant ses dernières forces pour attraper Knock et le mettre hors de portée de l'arme.

Maiken avait stoppé son geste juste à temps. De l'autre côté, Avis, prêt à dégoupiller sa grenade, avait lui aussi suspendu son mouvement en voyant que la vie de l'enfant n'était plus en danger.

La crise évitée de justesse, tout le monde poussa un soupir de soulagement, sauf Shen Siwei, agenouillé, haletant.

— Monsieur le négociateur...

Knock, le sale gosse, avait quand même un peu de cœur. Il lâcha son arme et l'attrapa par le bras pour l'aider, mais avant qu'il n'ait le temps de le relever, Klet s'approcha d'un pas rapide et pressa le masque à oxygène contre son visage. Un flot d'air frais s'engouffra dans ses narines, apaisant la sensation d'étouffement.

Knock courut alors vers la table basse pour tenter de déplacer la table à manger qui écrasait Avis.

Mais à peine eut-il appuyé dessus que ce dernier poussa un gémissement de douleur.

— Klet ! appela Knock. Aide mon frère, je te dirai tout ce que tu veux savoir !
— Knock ! grogna Avis.
— Frérot, dit l'enfant avec anxiété, je t'ai dit que c'était quelqu'un de bien. Il t'a même sauvé. Pourquoi tu ne veux pas me croire ?

Shen Siwei observait le petit théâtre fraternel.

Avis avait vraiment un faible pour Klet.

— Tu vas mieux ? lui demanda ce dernier.

Le blond hocha la tête, trop à bout pour parler.

Maiken, planté près de la porte, comprit que Klet n'avait pas l'intention de bouger, il s'approcha à contrecœur de la table, donnant un coup de main à Knock pour la déplacer.

L'enfant aida Avis à s'asseoir sur le canapé, ce dernier tenant son flanc, une côte visiblement cassée.

— Maintenant, parlez, demanda Maiken en croisant les bras. Qui êtes-vous vraiment ?

Shen Siwei comprit alors pourquoi Klet refusait d'aider Knock. Ces deux-là étaient comme une famille pour lui. Dans ce genre de situation, qui ne se sentirait pas trahi ?

— On est... commença Knock, hésitant.

Il jeta un coup d'œil discret à Avis avant de murmurer :

—On fait partie des Rossignols* .
— Les Faucons Noirs ? s'étonna Maiken. Ce groupe terroriste ?

À ce mot familier, le cœur de Shen Siwei fit un bond ; des bribes de souvenirs lui revinrent, mais craignant des variations de ses ondes cérébrales, il força son esprit à rester calme.

— Pas Faucon, mais Rossignol, corrigea Knock. On est la seconde génération. On ne s'en prend pas aux civils.

Shen Siwei se rappelait très bien de cette organisation. Les Rossignols, autrefois nommés Faucons Noirs, étaient un groupe terroriste radical opposé à la domination des Margs. Il avait lui-même participé à plusieurs opérations contre eux. Mais dans ses souvenirs, il n'avait jamais entendu parler d'une « seconde génération ».

Maiken formula la question qui trottait dans toutes les têtes :

— Vous avez changé d'idéologie ?
— Non, répondit enfin Avis. C'est juste plus les mêmes gens, l'ancien groupe est mort. 
— Donc, c'était vous au Creston Grand Hôtel, continua Klet. En venant ici, j'ai demandé à Maiken d'enquêter sur toi, tu n'as pas été exilé pour vol, comme tu le prétendais.
— C'est vrai, admit Avis. J'avais prévu d'agir dès le premier hôtel en libre-service, mais Maiken avait trafiqué les caméras, donc j'ai dû renoncer. Ensuite, j'ai eu une ouverture au Creston, mais tu logeais dans la chambre d'à côté, alors ça n'a pas marché. Et après ça, il a emménagé chez toi, toujours en alerte ou carrément absent. Bien sûr, j'ai fini par comprendre qu'il dormait dans ton lit et jamais pu tenter quoi que ce soit.

Shen Siwei comprit que les deux Rossignols ne connaissaient pas sa véritable force.

Le premier attentat avait eu lieu dans la zone industrielle hors de la ville, il avait éliminé les quatre agresseurs, et aucun n'avait pu faire rapport. Puis, au Creston Grand Hôtel, Avis ignorait comment Shen Siwei avait survécu, pensant que Klet l'avait sauvé juste à temps.

Cette fois-ci, il avait eu une nouvelle opportunité et cru qu'un simple tir suffirait.

— Et en quoi êtes-vous différents de vos prédécesseurs ? s'enquit Maiken. Le négociateur ne vous a rien fait, et pourtant vous vouliez le tuer.
— Parce que tant qu'il est en vie, les militaires refuseront d'expulser les réfugiés !
— Réfléchis à ce qui vient de se passer, il a protégé Knock, non ? Tu veux encore le tuer après ça ?

Avis serra les lèvres, détournant la tête, et ne répondit plus.

— Vous êtes juste des terroristes, persista Maiken. Chacun doit répondre de ses actes, on ne règle pas ses comptes au hasard.
— Les Rossignols ne sont pas un groupe terroriste, insista Knock, face à lui. On est pas comme les anciens, eux ont été dissous il y a vingt ans. Nous, on est une nouvelle génération.

Shen Siwei resta figé, les yeux dans le vide, tandis que ces mots tournaient en boucle dans son esprit :

« Il y a vingt ans ».

C'est là qu'il se souvint de l'explosion.

Moran avait posté des hommes autour du logement de Sara, leur présence avait alerté les Faucons Noirs, qui avaient tendu une embuscade. Cette nuit-là, sous la pluie, leur équipe était tombée dans un piège, en infériorité, ils avaient subi de lourdes pertes.

Shen Siwei se revit, lui et Leizhe, acculés sur un toit. Il avait sauté pour le protéger, mais n'avait pas pu échapper à la bombe.

Mais quelle était la mission exacte ?

Il coupa court à ses pensées, de peur d'éveiller les soupçons de Moran. C'est à ce moment qu'un claquement de doigts devant ses yeux le ramena à la réalité.

Maiken, désormais à ses côtés, lui demanda :

— Tu vas bien ?
— Ça va, répondit-il en secouant la tête, remarquant que Klet, qui jusque-là ignorait Avis, était maintenant en grande discussion avec lui.

— Ton objectif, c'est de libérer l'Arbre de Vie ? demanda le jeune leader. Ou bien tu veux attaquer les niveaux supérieurs ?

Le Rossignol blessé se tenait toujours les côtes.

— Je peux vous aider, proposa Klet.
— Comment ? demanda Avis, méfiant.
— Que ton chef me contacte, je discuterai avec lui.

Shen Siwei ouvrit des yeux ronds.

Il y avait trois forces dans cette pièce, les Margs, les réfugiés, et les Rossignols. 

Et voilà qu'une alliance se formait ?!

— Hé, protesta-t-il. Je suis encore là, hein !
— Tu peux partir, dit Klet en se tournant vers lui.

Shen Siwei : « ... »

— C'est moi qui vais partir, rétorqua Avis en se redressant douloureusement. Je vais demander à notre chef.

Knock l'aida à sortir lentement de la pièce.

Une fois à bonne distance, Avis activa son communicateur malgré la douleur et murmura :

— Leizhe, on a un souci...

*Dans la traduction anglaise, Nightingale et Night Warbler sont utilisés pour désigner le même groupe. Pour éviter toute confusion et garder la cohérence, je traduis systématiquement par Rossignol.

 

Leizhe est vivant !!! Leizhe est avec les Rossignols !!!

 

 

 

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