Top Edge : Chapitre 28 - Et si Klet était ce petit garçon ?
Shen Siwei avait l'habitude que Klet le chasse. Mais cette fois, c'était différent : il n'avait même plus le droit de l'approcher.
Ils avaient regardé des dessins animés ensemble, combattu côte à côte contre les loups du désert, oublié leurs statuts respectifs pour simplement profiter de la présence de l'autre. Sans mission, Shen Siwei n'aurait pas refusé l'idée d'être son ami.
Mais à présent, tout cela était terminé. Le jeune leader ne voulait plus rien savoir de lui.
Heureusement, il n'avait pas restreint sa liberté, lui demandant simplement de partir. Shen Siwei savait pourtant que ce n'était pas par indulgence : Klet avait conscience de ne pas avoir les moyens de le retenir de force.
Quand il reviendrait de sa rencontre avec les Rossignols et constaterait qu'il traînait encore dans les parages, il risquait de l'expulser lui-même, voire de monter personnellement la garde à la station électrique.
En y réfléchissant, Shen Siwei comprit qu'il n'aurait sans doute plus qu'une chance d'y enquêter.
Après s'être séparé de Klet, il erra seul dans les rues. Les réfugiés se faisaient de plus en plus nombreux, mais il n'accordait aucune importance à leurs regards.
Ses vêtements étaient un peu déchirés sur les côtés, deux boutons de col avaient sauté, laissant deviner sa clavicule, mais rien de trop voyant. Il n'avait pas acheté qu'un seul ensemble, mais les autres étaient restés chez Klet et il n'avait pas la moindre envie d'y retourner.
Ce dernier, après avoir combattu les loups, devait rentrer trempé de sueur, couvert de blessures, se laver, se changer. Après leur dispute, franchir de nouveau la porte aurait été trop gênant.
Pourquoi, alors, se sentait-il coupable ?
N'était-ce pas logique de tromper Klet pour mener à bien sa mission ? Pourquoi cette pression étouffante, inexpliquée ?
Il repensa à cet homme mal rasé croisé dans un bar. Celui qui disait que Klet n'avait de comptes à rendre à personne, qu'il pouvait abandonner les réfugiés à tout moment. Pourtant, lorsque l'Arbre de Vie avait été en danger, c'est lui qui s'était dressé face à l'ennemi.
Shen Siwei ne savait plus quoi penser.
Peut-être parce que la plupart de ses missions passées avaient toujours opposé le bien et le mal de manière tranchée. Noir et blanc. Il n'avait jamais eu affaire à une cible aussi floue que Klet.
À part une fois. Avec ce petit garçon.
En y repensant, il enfonça les mains dans ses poches et shoota nerveusement dans un caillou.
— Quelle mission stupide.
Le petit caillou heurta une borne de recharge, provoquant une gerbe d'étincelles. Les réfugiés qui venaient d'arriver dans la rue s'enfuirent aussitôt.
Les patrouilles de la station avaient été rétablies, mais elles étaient bien moins nombreuses. Autrefois, deux ou trois gardes par étage ; désormais, même pas dix en tout. En plein jour, les réfugiés étaient plus détendus, et après l'expulsion des loups du désert, les rondes semblaient faites à contre-cœur.
Shen Siwei s'accroupit dans un coin pour observer, puis, saisissant une ouverture, se glissa discrètement dans la station.
Il avait déjà exploré les étages supérieurs. Inutile d'y retourner. Il suivit sa carte électronique et descendit directement au sous-sol. Contre toute attente, deux hommes montaient la garde aux escaliers.
C'était bien là que ça se passait.
Il les neutralisa rapidement, puis suivit la carte jusqu'au tuyau central qu'il avait saboté. Le conduit n'avait pas été réparé, preuve qu'il n'était pas vital. Mais le réseau était complexe, et Shen Siwei n'avait aucune chance de tester un à un tous les canaux pour savoir lesquels transportaient du courant.
En supposant que le flux électrique génère forcément un champ magnétique, il sortit de son mini-ordinateur un détecteur de haute précision et suivit l'aiguille. Celle-ci l'amena à l'entrée d'un sous-sol condamné.
— C'est une blague...
Un conduit principal menait encore à la centrale abyssale.
Mais cette station avait été détruite par les monstres marins, cinquante ans plus tôt !
Comment pouvait-elle encore alimenter quoi que ce soit ?
Il força la lourde porte métallique. Derrière, un entrelacs de tuyaux encore plus complexe. Et pourtant, au milieu d'eux, le conduit central, censé être hors service, brillait doucement d'un bleu pâle, semblable à un océan vivant, diffusant son énergie dans toutes les branches.
— La centrale abyssale... fonctionne encore ?
Non. Impossible.
Alors, qu'avait-il sous les yeux ?
En ressortant de la station, il se réfugia dans une ruelle et contacta Moran. Peut-être que ses informations sur l'Arbre de Vie dataient de vingt ans et qu'il y avait eu des évolutions dont il ignorait tout. Mais la réaction de son supérieur fut la même que la sienne.
— Les abysses ? Impossible. Personne ne peut réparer une centrale sous-marine.
Shen Siwei partageait son avis. Mais les faits étaient là.
— J'ai redémarré le système de contrôle, dit-il. Aucune réaction. Seule une source indépendante, comme la centrale abyssale, peut fonctionner hors du système.
À la création de l'Arbre de Vie, les stations régionales n'avaient pas de système de contrôle. Ce n'est qu'après la destruction de la centrale abyssale que les Marg en avaient installé un, pour gérer l'énergie.
Sauf que cette section abandonnée échappait à tout contrôle.
Tout pointait vers une conclusion : la centrale abyssale était toujours active.
—
Mais comment ? demanda Moran. Tout appareil électronique immergé serait
attaqué par les monstres marins. Et même si quelqu'un descendait sans
appareils, la centrale en abrite des centaines. Comment pourraient-ils
fonctionner sans attirer l'attention ?
— Et si... quelqu'un avait éliminé tous les monstres ?
— Tu plaisantes ?
— Peut-être.
Le seul « quelqu'un » possible, c'était Klet. Lui seul semblait détenir la vérité sur la station.
Mais il n'était pas plus fort que Shen Siwei. Comment aurait-il pu anéantir tous les monstres marins ?
— Et ton enquête sur lui ?
— Il est... très mystérieux.
En réalité, Shen Siwei avait déjà rassemblé assez d'informations pour fournir à l'armée de sérieuses pistes.
Mais il se tut.
Il ne voulait rien transmettre qui puisse nuire à Klet.
C'est mal...
Même s'il regrettait de l'avoir trompé, la stabilité de l'Arbre de Vie restait plus importante que ses propres états d'âme.
— Continue, ordonna Moran. Rapproche-toi de lui autant que possible.
— Impossible, soupira Shen Siwei, soulagé. Il sait que je lui ai caché mes capacités.
— Comment ?
— J'ai aidé à repousser les loups du désert.
— Toi...
Moran réprima difficilement sa colère.
— Tu es vraiment ingérable, chéri.
Shen Siwei serra les lèvres, retenant l'envie de parler des souvenirs. Mais Moran pouvant l'endormir quand il voulait. Il se tut.
— Encore une chose, dit-il. Tu connais les Rossignols ?
— Une nouvelle organisation, non ? J'ai entendu parler d'eux. Je les surveille.
— Continue. Ce sont eux qui ont tenté de m'assassiner.
—
Pour provoquer une guerre entre l'armée et les réfugiés ? devina
immédiatement Moran. Astucieux. Reste en attente aux niveaux inférieurs.
Je consulte les supérieurs et on décidera de ton sort.
Il ne sait même pas jouer le rôle de petit ami correctement.
Il disait qu'il lui manquait, mais n'agissait que comme un supérieur froid et distant. Shen Siwei ne releva pas. Moran profitait de sa mémoire lacunaire ; tout cela n'était qu'une mascarade.
La mission était considérée comme à moitié réussie ou à moitié ratée, selon le point de vue. Shen Siwei n'avait toujours pas percé les origines de Klet, seulement établi un lien avec les profondeurs marines.
La dernière fois qu'il avait évoqué les abysses, c'était en parlant de ce petit garçon...
Shen Siwei s'arrêta brusquement.
Et si Klet était ce petit garçon ?
Impossible. IMPOSSIBLE.
Il se souvenait parfaitement de lui : doux, pleurant, refusant d'être séparé de lui. Comment aurait-il pu devenir ce chef brutal ? Et la voix rauque de Klet n'avait rien à voir avec les sanglots de l'enfant.
L'idée traversa son esprit, mais il la balaya. L'âge ne collait pas non plus : Klet avait une vingtaine d'années, pas plus.
L'armée poursuivrait l'enquête sur la centrale. Sa présence à Z City n'avait plus grand intérêt.
Bientôt, Moran enverrait quelqu'un pour le récupérer. Il devait trouver un moyen de se libérer des limites qu'il lui imposait.
⸻
En périphérie de la ville, dans la zone industrielle, Klet s'était adossé à une moto massive. Devant lui, plusieurs voitures modifiées approchaient.
La première s'immobilisa à une dizaine de mètres. Le conducteur en descendit, visage couvert d'un foulard triangulaire. Casquette militaire vert olive, vieilles lunettes « œil-de-grenouille » et, sur le foulard, le motif incongru d'un poussin jaune.
Il s'avança vers Klet, mains sur les hanches, scrutant les environs.
— T'es venu seul ?
En bougeant, son manteau noir s'ouvrit, laissant voir l'étui de son arme.
— Seul.
Klet descendit de la moto et se redressa. L'homme n'était pas petit non plus, au moins un mètre quatre-vingt-cinq.
— Et Knock et Avis ? demanda-t-il en retirant ses lunettes.
Klet remarqua alors une cicatrice de plusieurs centimètres au coin de son œil droit.
— Restés à la maison. Avis n'est pas gravement blessé.
Avis avait sans doute résumé la situation en contactant leur chef, car l'homme ne montrait aucune hostilité.
— J'enverrai quelqu'un les chercher.
Il finit par enlever son foulard. Son visage avait ce charme solaire de garçon d'à-côté, mais la cicatrice lui donnait une brutalité singulière.
Il tendit la main.
— Leizhe, leader des Rossignols.
Klet serra sa main.
— Klet.
Leizhe entre en scène !!!
Désolée pour les mises à jour un peu décousues. Je traverse actuellement la plus longue et chaotique période de migraine de ma vie (depuis le 16 août précisément) donc je fais vraiment les choses difficilement, quand et comme je peux.
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