Top Edge : Chapitre 47 - Je n’aime pas les hommes immatures
Après avoir déposé le traceur de localisation dans le bureau de sa mère, Shen Siwei et Klet prirent la route en direction de la Cité Z, zone Ouest.
La nuit était peuplée de créatures : des monstres rôdaient, et des oiseaux étranges tourbillonnaient dans le ciel. La nuée de pigeons avait disparu, remplacée par des hiboux chasseurs. En évitant une chauve-souris qui surgit de nulle part, Klet prit de l’altitude, regarda Shen Siwei, les yeux grands ouverts, puis demanda :
— Si tu pouvais te libérer du contrôle de Moran, y aurait-il quelque chose que tu voudrais faire ?
Shen Siwei réfléchit un instant, et ses lèvres se mouvèrent à peine :
— Je ne sais pas.
Il n’était pas certain de pouvoir échapper à l’emprise de Moran. Plus pressant encore restait Amor : sa localisation le taraudait. Bien qu’il n’en eût jamais rencontré le propriétaire, il avait lu le journal du jeune homme et connaissait l’histoire qui le liait à son amant. Une préoccupation sourde persistait en lui.
— Ta blessure te fait encore mal ? demanda Klet à voix basse.
Le soldat baissa les yeux vers son poignet : le matériau moléculaire avait déjà ressoudé la peau, la coupure était invisible.
— Ça ne fait plus mal, dit-il en ajustant le dossier du siège. Je vais me reposer un peu ; tu pourras prendre le relais pendant la journée.
⸻
Le lendemain après-midi, au crépuscule, ils atteignirent enfin la Cité Z Ouest.
Les rues étaient encore désertes : seuls quelques réfugiés circulaient. Une hyène difforme rôdait dans une ruelle et déclencha par malchance le système de défense d’un commerce, se retrouvant criblée de balles. L’aéronef se posa près d’un immeuble partiellement effondré ; au rez-de-chaussée, un petit salon de coiffure. Le magasin était vide, mais l’enseigne tricolore continuait de clignoter.
— C’est la boutique de Malken, déclara Klet en déclenchant la reconnaissance faciale pour laisser entrer Shen Siwei.
— Il fait aussi coiffeur ? observa le capitaine, en examinant les
lieux. Le salon est complet, rien ne laisse deviner un lien avec la
mécanique.
— Tu sais pourquoi les salons affichent du rouge, blanc et bleu ? demanda Klet.
Shen Siwei secoua la tête.
— À l’époque romaine, expliqua Klet, on pratiquait la saignée. Les barbiers, qui tenaient les rasoirs, faisaient aussi office de chirurgiens. Le rouge représente les artères, le bleu les veines, le blanc les bandages.
— Je vois, dit Shen Siwei. Donc Malken fait ainsi comprendre qu'il est également "chirurgien".
— Exactement.
Klet activa à nouveau la reconnaissance faciale et conduisit Shen Siwei au sous-sol. Il avait envoyé la confirmation la veille ; Malken était en route et devait arriver bientôt.
Le sous-sol se divisait en deux : un salon à gauche et, à droite, un vaste atelier beaucoup plus grand que l’étage. Shen Siwei s’apprêtait à explorer l’atelier lorsqu’on entendit des pas dans le couloir. Malken descendit précipitamment de l’étage, portant des lunettes d’aviateur.
— Hé, Négociateur, dit-il en ôtant ses lunettes et en saluant Shen Siwei. Merci pour l’accord.
Le capitaine se contenta d’un hochement de tête. En entrant dans l’atelier, Malken s’adressa à Klet :
— Pourquoi tu l’as encore « enlevé » ?
— Que veux-tu dire par « enlevé » ? répondit Klet, haussant un sourcil.
— À chaque fois qu’il descend pour une mission, il finit avec toi,
murmura Malken, puis, plus fort, s’adressant à Shen Siwei : Négociateur,
on va d’abord scanner ton corps.
Comparé au laboratoire du Dr Chen, l’atelier de Malken était rudimentaire : composants électroniques éparpillés, établis chargés d’outils ; l’ambiance rappelait le sous-sol de l’Ancien Fantôme. Shen Siwei s’allongea dans un fauteuil chirurgical, ressemblant à un siège de dentiste. À l’instant où le siège s’ajusta, il se redressa, nerveux.
— Ne t’inquiète pas, dit Klet en posant une main sur son épaule. Il règle juste le fauteuil pour le scanner.
La voix, grave et légèrement rauque, dégageait une curieuse assurance. Shen Siwei se rallongea. Le scanner se mit en marche et une image en temps réel apparut sur l’écran de l’ordinateur de Malken.
— Vous voyez ça ? dit Malken en pointant l’écran avec le stylet, les sourcils froncés. Il y a une puce là-dessous, ajouta-t-il en se tournant vers Klet.
Sur l’écran, à la jonction entre la nuque et la colonne vertébrale, brillait une puce de la taille d’un ongle.
— Peut-on la retirer ? demanda Klet.
— Voyons ça, répondit Malken.
Il agrandit l’image ; un réseau complexe de circuits apparut. Après un long examen, Malken soupira :
— On ne peut pas la retirer.
Il encercla plusieurs zones du circuit :
— Tu vois ces connexions ? Elles sont reliées aux nerfs. Pour l’enlever, il faudrait opérer et réparer les nerfs en même temps. Le risque est trop grand.
Klet demeura silencieux, bras croisés, le regard fixé sur l’écran. Shen Siwei, qui s’attendait à cette réponse, ne se montra pas particulièrement déçu.
— Quelle est la fonction de cette puce ? demanda-t-il.
— D’après les connexions, réfléchit Malken en se frottant le menton,
elle peut te forcer à dormir. Elle est aussi reliée aux parties qui
contrôlent les mouvements, mais cette fonction n’a pas été activée.
— Donc ils peuvent contrôler son comportement ? s’enquit Klet, sourcils froncés.
— Apparemment oui, mais ils n’ont pas développé cette partie, précisa Malken.
Klet tourna son regard vers Shen Siwei, la voix teintée d’inquiétude :
— Tes supérieurs ne t’ont pas réveillé parce que l’expérience n’était pas terminée.
Une peur froide saisit le soldat : si Amor n’existait pas, qui lui aurait rendu conscience de lui-même au réveil ?
Il posa une autre question :
— Cette puce peut-elle contrôler la couleur de mes cheveux ou de mes yeux ?
Malken resta un instant penché sur l’écran, puis secoua la tête :
— Non. Elle se connecte au cerveau et ne contrôle pas directement cheveux ou yeux.
Soulagé, Shen Siwei souffla. La modulation de son apparence relevait de son propre cerveau, sans doute liée à ces particules magnétiques dont il ignorait encore les mécanismes. Quand il tuait, ses yeux viraient au rouge sous l’effet de l’adrénaline ; c’était son système nerveux, et non la puce, qui orchestrai ce changement.
Il réfléchit un instant, puis demanda :
— Quelle couleur ont mes yeux ?
Malken, surpris, recula légèrement. Klet répondit, calme :
— Rouges.
Shen Siwei pensa à autre chose :
— Et mes cheveux ?
— Bleu mat, dit Klet en haussant un sourcil.
La nuance ne lui plaisait clairement pas.
Comprenant cela, le soldat redevint châtain sur-le-champ et ses yeux reprirent leur vert d’origine. Malken lança un coup de coude complice à Klet :
— Putain, ton amoureux est un caméléon.
Klet le fusilla du regard, et Malken se tut.
— Donc il n’y a aucun moyen d’enlever cette puce ? demanda Shen Siwei.
Avant que Malken ne réponde, Klet intervint :
— Demande d’abord à ton mentor.
— C’est le plan, répondit Malken, hésitant. Mais elle va me charger encore plus de travail… et m’exploiter.
— Demande-lui de voir ça avec moi, dit Klet.
L’expression inquiète de Malken s’effaça ; il claqua des doigts :
— Très bien.
Il resta pour discuter de la structure de la puce avec l’Ancien Fantôme, tandis que Shen Siwei suivit Klet vers le salon attenant. La pièce, semblable à la chambre du fugitif dans la ville souterraine, n’était pas grande mais contenait l’essentiel. Ils s’assirent sur le canapé et Klet alluma la télévision. Après avoir zappé quelques chaînes, il se tourna vers Shen Siwei :
— Tu me trouves immature ? demanda-t-il, visiblement préoccupé par son commentaire précédent.
« Je n’aime pas les hommes immatures. »
La question surprit Shen Siwei, mais, après réflexion, il répondit :
— Plutôt enfantin. Comment quelqu’un de ton âge voudrait encore monter dans une grande roue ?
Klet plissa les sourcils ; il resta silencieux, visiblement froissé. Les images sur l’écran tournoyaient, et Shen Siwei laissa échapper un petit rire.
— Qu’est-ce qui t’amuse ? demanda Klet.
— Rien, répondit Shen Siwei en étouffant son sourire. C’est juste drôle de te voir bougonner comme un gamin.
Klet fronça les yeux.
— Tu te moques de moi ?
— Les enfants existent pour qu’on se moque d’eux, répliqua Shen Siwei.
Il savait que la remarque piquerait. Mais qui résiste à la douceur d’un enfant grognon ?
Ainsi, il oublia, un instant, que Klet n’était pas un enfant mais un homme au sang chaud. Sans prévenir, ce dernier bondit et l’immobilisa contre l’accoudoir du canapé.
— Comment peux-tu dire que je suis un enfant ? demanda Klet, les sourcils froncés.
— Je sais, répliqua Shen Siwei, feignant l’innocence : tu as trente ans cette année.
Autrement dit : tu es plus jeune que moi.
Klet le regarda de haut, puis son visage s’adoucit et il prit le masque à oxygène de Shen Siwei dans sa main. Cette fois, le capitaine paniqua. Il tendit la main pour le reprendre :
— Rends-moi mon masque !
La difficulté à respirer colora son visage et il haletait, impuissant. Klet sourit, puis posa lentement le masque devant lui, prolongeant le geste, le regard fixé sur les lèvres du soldat. Shen Siwei, convaincu qu’il allait être embrassé, se raidit. Mais au même instant, Malken ouvrit la porte en trombe :
— Patron…
L’atmosphère se rompit. Klet reprit ses esprits, rendit le masque et recula. Shen Siwei, soudain gêné, détourna les yeux. Malken, intrigué, regarda les deux hommes, se demandant ce qui venait de se jouer ; il n’était pas surpris par l’attitude de son patron mais n’avait pas prévu la réaction du Négociateur.
Il prit un air sérieux et, mettant de côté la curiosité, prévint :
— En enlevant la puce, vous pourriez tuer le Négociateur. Êtes-vous prêt à prendre ce risque ?
Demain publication de Mo Du/Silent Reading (Prologue+5 chapitres)
Pour Top Edge, je dois traduire du chapitre 51 au chapitre 60 (ou plus si possible). Je vais essayer de ne pas faire de pause, une fois le chapitre 50 posté, mais je ne promets rien.
Vous pouvez me retrouver sur : Instagram - TikTok - Twitter et Wattpad

Vivement la suite ! Et aussi hâte de commencer Mo Du.
RépondreSupprimerMerci beaucoup !
J'ai hâte de finir Top Edge pour me lancer dans Survivorship Bias et je suis super excitée pour Mo Du 😍
Supprimer