Top Edge : Chapitre 49 - Le destin, mon œil
En ajustant l’angle de la caméra, un homme petit et trapu, affublé de lunettes épaisses, appuya sur le bouton d’enregistrement.
— Je suis le Dr Chen, et ce fichier vidéo documente le processus de modification du Sujet 888714. Le sujet a été amené le premier jour avec de graves lésions des voies respiratoires et de larges brûlures sur le corps. Nous procédons actuellement au nettoyage des plaies et à la surveillance des signes vitaux.
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36ᵉ jour
Les signes vitaux du sujet se sont stabilisés ; nous pouvons passer à l’expérience suivante. Bien que tous les sujets précédents aient présenté de sévères réactions de rejet après la mise à jour de la puce de contrôle conçue par mes prédécesseurs, j’ai confiance en le Sujet 888714, car il fait partie du premier lot d’embryons artificiels.
À cette époque, la création d’embryons artificiels était non seulement légale, mais autorisait aussi des modifications génétiques. D’après les archives, le Sujet 888714 ne porte aucun gène pathogène et présente de fortes capacités d’auto-guérison. J’espère qu’il acceptera la puce de contrôle avec succès.
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90ᵉ jour
Nous
l’avons fait ! Nous avons enfin réussi ! Après plusieurs semaines en
état critique, le sujet s’est progressivement stabilisé et a accepté la
puce de contrôle ! C’est une excellente nouvelle !
Nous allons à présent entamer le renforcement musculaire, un processus
long qui nécessite la modification de chaque fibre musculaire.
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788ᵉ jour
Les muscles des jambes du sujet n’ont pas supporté les modifications intensifiées et ont subi une nécrose tissulaire, déclenchant une réaction en chaîne. Il semble qu’il existe une limite aux améliorations possibles, et nous ne pouvons pas suivre la suggestion du colonel Moran d’augmentations illimitées.
Il est mécontent des erreurs expérimentales, et je dois le convaincre : s’il veut une arme humanoïde dotée de réflexion plutôt qu’une simple machine, il doit admettre que le corps humain a ses limites.
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2589ᵉ jour
Tous les muscles du sujet ont été reconstruits et modifiés ; sa force dépasse désormais celle des prothèses mécaniques. Malheureusement, à l’exception du Sujet 888714, tous les autres sujets ont échoué dès la première étape. Après tant d’années, il reste le seul spécimen modifié avec succès.
Peut-être que, pour créer le soldat parfait, il faut partir d’embryons artificiels. Mais cela impliquerait les fondateurs de l’Arbre de Vie, et le général Miller ne l’acceptera jamais. Nous devons donc être extrêmement prudents dans les modifications ultérieures du Sujet 888714 et ne pas ruiner ce produit semi-fini unique.
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4236ᵉ jour
Le capitaine Shen a une nouvelle peau. C’est le fruit de mes recherches méticuleuses. J’ai enfin surpassé mes prédécesseurs !
Prochaine étape : mettre à jour la puce qu’elle a conçue et la dépasser sur tous les points !
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4250ᵉ jour
Puisque le capitaine Shen a retrouvé une apparence normale, le colonel Moran a formulé de nouvelles exigences. Il veut changer la couleur de ses cheveux, de sa peau et de ses yeux. Pense-t-il que mon travail est un jeu de déguisement ? Je ne peux pas lui désobéir, alors j’ai ajouté ces fonctionnalités inutiles. Il en est ravi.
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6832ᵉ jour
Le colonel Moran a demandé que les yeux du capitaine Shen soient remplacés par des implants mécaniques pour un suivi en temps réel. J’ai refusé : la charge sur le cerveau du sujet serait trop lourde. Je ne peux pas prendre ce risque.
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7288ᵉ jour
Des réfugiés ont envahi la zone Z de la ville. Le colonel Moran a décidé de réveiller le capitaine Shen pour la mission. Je répare actuellement sa fonction cardiovasculaire ; les chances de réussite sont élevées, mais je dois interrompre les travaux pour l’instant.
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7297ᵉ jour
La mission dans la zone Z a échoué, prouvant que mes recherches présentent encore des lacunes. Je dois maintenant bloquer les souvenirs du capitaine Shen. Sur ce point, je suis d’accord avec le colonel Moran : contrôler sa pensée est plus important que ses capacités physiques.
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9001ᵉ jour
Le capitaine Shen sera réveillé à nouveau pour une mission. Ce sera son épreuve ultime.
Si elle réussit, cela prouvera que son esprit est entièrement sous
contrôle, et je pourrai restaurer pleinement sa fonction
cardiovasculaire. Si elle échoue, nous devrons améliorer la puce et
l’utiliser pour le contrôler.
Mais je ne pense pas que cela échouera : j’ai déjà bloqué ses souvenirs.
⸻
— Reste calme, Boss !
Malken posa vivement le scalpel et arrêta Klet, qui fonçait vers le fauteuil.
— Le négociateur est déjà anesthésié. Tu crois qu’il accepterait qu’on interrompt tout maintenant ?
— Il le faut ! hurla Klet, furieux, agrippant le col de Malken. C’est lui ! Je ne peux pas risquer même 1 % !
— Non… répondit Malken, décontenancé par ses cris. Même si je ne
comprends pas tout, c’était une décision conjointe. Tu ne veux pas qu’il
ait subi l’anesthésie pour rien, non ?
De l’autre côté, la projection holographique du Vieux Fantôme intervint :
— À quoi tu joues ?
— Il ne peut pas mourir, murmura Klet en se calmant à contrecœur. Il
posa les mains sur le fauteuil chirurgical, fixant le visage endormi de
Shen Siwei. Il ne peut pas mourir.
— Pourquoi est-il soudain devenu fou ? demanda la vieille femme à Malken.
— J’en sais rien, répondit-il, toujours perplexe.
Il s’approcha du fauteuil, tapota l’épaule de Klet :
— Boss, pour l’instant, poursuivons l’opération.
Klet ne bougea pas. Il fixait Shen Siwei, muet.
— J’ai beaucoup de choses à lui dire. Réveille-le d’abord.
— Tsk… hésita Malken. Le négociateur a un fichu caractère. Il va péter un câble si on fait ça.
À ces mots, Klet serra les lèvres ; son expression s’adoucit légèrement.
—
Boss, 10 %, c’est déjà une faible probabilité, continua Malken pour le
convaincre. Ma mentor surveille toujours. Si quelque chose tourne mal,
j’arrête immédiatement. Ça te va ?
— Il ne peut pas mourir, répéta Klet, comme incapable de dire autre chose.
— Je sais, répondit Malken, tentant de le repousser vers la pièce
voisine. Reste ici, observe. Je te tiendrai informé en temps réel.
Klet finit par obéir, mais ses poings serrés révélaient tout l’effort qu’il mettait à garder son calme.
Malken reprit le scalpel et s’assit devant le fauteuil chirurgical.
— D’abord, je retire le crâne artificiel.
Pour rassurer Klet, il commentait chaque étape à voix haute.
Il traça une incision sur la projection holographique suspendue dans les airs ; les instruments précis du fauteuil imitèrent immédiatement ses gestes, ouvrant le crâne de Shen Siwei.
— Je ne toucherai pas aux nerfs du négociateur. Je ne modifierai que la partie sans fil de la puce.
L’image tridimensionnelle de la puce s’agrandit. Malken entama le circuit imprimé ; les instruments miniatures reproduisirent ses mouvements avec une précision chirurgicale.
— Parfait, souffla-t-il, en balayant la projection pour ne laisser que la partie sans fil.
Puis il demanda :
— Par où commencer, mentor ?
Klet ignorait la projection flottante. Il gardait les yeux rivés sur le moniteur des signes vitaux, rassuré de les voir stables.
—
Ne touche pas à la partie réceptrice, expliqua le Vieux Fantôme. Sinon,
ils remarqueront une anomalie. Mais la partie émettrice doit être
reliée ailleurs pour qu’il sache distinguer les commandes de la console.
— D’accord, confirma Malken tout en opérant. Je sépare d’abord la
section réceptrice. La console continuera d’envoyer ses ordres, et le
négociateur pourra les recevoir, mais son corps ne sera plus contrôlé
par la puce.
À mesure que l’opération avançait, Klet se calmait. Il jeta un coup d’œil au moniteur.
— Et la personne qui envoie les ordres ? Elle ne verra rien ?
— Non. Le négociateur connaît les commandes et peut y répondre. Ça semblera normal.
— En d’autres termes, intervint le Vieux Fantôme, si la console lui
demande de changer la couleur de ses cheveux, il recevra bien la
commande… mais effectuera lui-même le changement.
Klet hocha la tête. Plus de questions.
— Bien. Maintenant, on traite la partie émettrice. Espérons que le cerveau du négociateur ne réagira pas au stress.
Malken modifia le circuit avec prudence. Mais au moment où il crut avoir terminé, Shen Siwei, toujours inconscient, fronça soudain les sourcils ; ses cheveux châtain foncèrent à vue d’œil.
Le moniteur émit une alarme stridente. Klet se précipita :
— Que se passe-t-il ?!
— Pas de panique ! ordonna le Vieux Fantôme. Malken, spray anesthésiant !
— Compris !
Le fauteuil chirurgical pulvérisa aussitôt un nuage fin à la jonction de la puce et du cerveau. Les signaux vitaux se stabilisèrent peu à peu.
Malken soupira de soulagement :
— Les cheveux du négociateur sont devenus noirs…
En levant les yeux, il vit Klet, le visage livide, encore secoué.
— Bon sang, on est en pleine opération ! Tu peux respecter le docteur ? râla Malken.
— D’accord, répondit Klet en se reculant, bras croisés, l’air tendu.
J’ai vérifié : la zone mémoire du négociateur ne peut pas être altérée.
Elle n’est accessible que par les nerfs.
— Donc… il ne récupérera pas ses souvenirs ? demanda Klet, fronçant les sourcils.
— Non. Cette section n’est qu’un relais. Ses souvenirs perdus doivent
être stockés dans la console de contrôle, et cette partie-ci ne permet
pas d’y accéder. Pour l’instant, je peux seulement la couvrir pour
éviter toute nouvelle altération. Quant à sa fonction cardiovasculaire,
c’est une vieille blessure ; je ne peux rien faire.
— Tant qu’il se réveille, ça me va, répondit Klet d’une voix grave.
— Très bien. C’est terminé.
Malken referma la plaie avec un adhésif.
— Le négociateur a un système immunitaire unique. Aucun risque d’infection. La récupération sera rapide.
Ce n’est qu’alors que le cœur de Klet cessa enfin de battre la chamade.
⸻
Confus, Shen Siwei sentit une différence sur la peau à l’arrière de son crâne : comme un petit creux étranger à la texture environnante. Instinctivement, il fit bouger les molécules de sa peau ; la sensation disparut aussitôt, comme si elle n’avait jamais existé.
— Ses yeux bougent.
— Il se réveille ?
— Presque une demi-journée… il devrait être conscient.
Les voix proches bourdonnaient dans sa tête.
Shen Siwei ouvrit les yeux, se redressa et avant même que sa vision ne s’éclaircisse, il fut happé dans une étreinte.
— Capitaine !
Il cligna des yeux, hébété. Quand la silhouette se précisa, il écarquilla les yeux, stupéfait.
— Leizhe ?
L’opération avait échoué ? Sinon, comment aurait-il pu voir quelqu’un déjà mort ?
—
C’est bien moi, Capitaine ! s’exclama Leizhe en lui saisissant les
épaules, débordant d’excitation. Je ne suis pas mort ! Quand Malken m’a
dit que c’était vous, j’ai accouru aussitôt !
— Tu… murmura Shen Siwei, confus. Moran a dit que vous…
— Vous ne vous souvenez pas de ce qui s’est passé il y a vingt-cinq ans
? demanda Leizhe. Je vous croyais mort dans l’explosion. Je suis tombé
du bâtiment, quelqu’un m’a sauvé. C’est une longue histoire, je vous la
raconterai quand vous irez mieux.
— D’accord, acquiesça Shen Siwei, touchant l’arrière de sa tête : aucune trace visible.
— Vous n'êtes plus sous leur contrôle, ajouta Leizhe.
Il semblait avoir mille choses à dire, sans savoir par où commencer. Les mots s’entrechoquaient :
— Après ma récupération, je ne suis pas retourné à l’armée. J’ai découvert qu’ils faisaient des expériences sur les soldats. Capitaine… c’est incroyable que vous soyez encore en vie.
Vingt ans avaient passé, mais Leizhe était resté le même : incapable de cacher ses émotions.
— Regarde-toi, soupira Shen Siwei en ajustant son col. Toujours aussi négligent.
Leizhe grinça des dents, ému :
— Vous avez toujours été le meilleur pour moi, Capitaine.
Revoir son ancien camarade le toucha plus qu’il ne voulait l’admettre. Il frôla la cicatrice au coin de l’œil de Leizhe.
— Ça fait encore mal ?
— Non, plus du tout, répondit celui-ci en secouant la tête.
Submergé, Leizhe le serra dans ses bras :
— Capitaine, vous m’avez tellement manqué !
— D’accord, d’accord, répondit Shen Siwei en lui tapotant le dos pour qu’il relâche l’étreinte. Comment tu connais Malken ?
— Je suis le chef des Rossignols, et lui est mon adjoint, expliqua-t-il.
— Le chef des Rossignols ? répéta Shen Siwei, surpris.
— Oui. Mais nous ne sommes pas comme les Faucons Noirs, ajouta Leizhe.
Je n’aurais jamais imaginé que la personne qui nous aidait serait mon
ancien capitaine. N’est-ce pas le destin ?
Pendant qu’ils parlaient, une tension glaciale emplissait l’autre côté de la pièce.
Klet et Malken, appuyés contre l’établi, bras croisés, affichaient des mines sinistrement fermées.
— Comment se fait-il qu’ils soient si proches ? marmonna Malken, l’air mécontent.
— Aucune idée, répondit Klet d’une voix sombre.
— Bon sang ! Ils se font encore des accolades ! pesta Malken.
— Le destin, mon œil…
Soudain, Klet se redressa, plissa les yeux et demanda froidement :
— Je peux le tuer ?
Malken sursauta et retint aussitôt son poing.
— Calme-toi, patron.
Demain chapitre 6 de Mo Du/Silent Reading
Pour Top Edge, le chapitre 50 viendra mercredi et non lundi. Et il y aura je pense quelques jours de pause avant la reprise, car je n'ai pas encore pu traduire la suite et je doute pouvoir le faire ce week-end. Les news seront sur instagram.
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