Top Edge : Chapitre 53 - Je suis une espèce évoluée

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Quand Shen Siwei et Klet revinrent à la boutique de coiffure, il ne restait plus que Malken dans le salon.

Leizhe avait dû s’absenter pour d’autres affaires et l'avait chargé de leur transmettre un message avant qu'il retourne à l’Arbre de Vie.

Klet lui rendit la clé de la moto :

— Tu ne rentres pas avec lui ?
— J’ai encore des recherches en cours, répondit Malken en faisant tourner son siège. Négociateur, viens voir ça.

Shen Siwei, occupé à préparer son sac, s’interrompit et se rapprocha du bureau. Sur l’écran et la table : un dessin technique représentant une espèce d’araignée.

— Mon mentor et moi y réfléchissons. Puisque ta fonction cardio-pulmonaire ne peut plus être restaurée, autant partir du masque à oxygène, expliqua Malken en faisant tourner son stylet. L’oxygène n’a pas forcément besoin de venir de l’extérieur. Par exemple, on pourrait implanter cette capsule arachnéenne dans ta cavité buccale. Comme ça, plus besoin du masque.

Shen Siwei et Klet s’exclamèrent ensemble :

— Capsule arachnéenne ?
— Le nom m’est venu comme ça, répondit Maiken. Le cœur du dispositif reste une capsule d’oxygène comprimé, la même que celle de ton masque. Mais je peux réduire son volume et fixer quatre supports autour pour l’ancrer profondément dans ta bouche.
— Pas bête, admit Shen Siwei.
— Sauf que ça reste théorique, précisa Malken en se grattant le menton. On ne sait même pas si c’est faisable.
— Mais on n’a plus le temps, gronda Klet. Il doit remonter.
— Remonter ?

Malken se tourna vers eux, surpris.

— Oui, j’ai des choses à régler, dit Shen Siwei.
— Mais tu n’as pas peur de…

Il s’arrêta, inutile de finir : il parlait de la perte de mémoire.

— Je ferai attention.

Klet resta muet, mais son humeur plombée flottait dans l’air comme une ombre.

— Bon, on peut faire un compromis, proposa Malken. Je n’aurai pas le temps de fabriquer les supports, mais je peux compresser la capsule et te l’implanter dans une dent. Tu veux tenter ?
— Combien de temps ? demanda Shen Siwei en jetant un œil à l’heure.
— Environ une demi-heure.
— Ça marche. Mon corps n’est plus à une modification près.

Malken fila dans son atelier. Shen Siwei et Klet sortirent de la boutique pour charger les batteries dans le coffre de l’aéronef.

Le trajet jusqu’au Bâtiment des Technologies durerait toute une journée. Ce qui signifiait que, dans vingt-quatre heures, ils se sépareraient.

Klet restait silencieux, mais au moment où Shen Siwei installait la huitième batterie, il craqua :

— Tu dois vraiment en prendre autant ?
— Plus il y en a, mieux c’est.

Klet insista :

— Tu pars vraiment ?
— On s'est mis d'accord.
— Je veux changer d’avis.
— Fais pas l’enfant.

Shen Siwei boucla son sac, vérifia l’aéronef. Pile à ce moment, le communicateur de Klet sonna.

— Malken nous appelle, dit-il.

En trente minutes seulement, Malken ressemblait à un mineur sorti d’un éboulement : visage couvert de suie, cheveux roussis.

Il ouvrit la paume, exhibant un minuscule objet gros comme un grain de riz.

— Dans une dent, ça risque d’être inconfortable. Tu veux toujours tester ?
— Puisque tu l’as fabriquée, allons-y, dit Shen Siwei.
— Comment ça marche ? demanda Klet.
— Je l’implante dans une molaire, avec un orifice de libération. Il suffit de mordre : la capsule libère un jet d’oxygène concentré. Par contre… c’est un prototype. Impossible de réguler la quantité. On ne sait pas combien de temps ça tiendra.
— Dix secondes c'est possible ? demanda Shen Siwei.
— Oui, sans problème.
— Parfait, alors.

Dix secondes, c’était amplement assez pour fuir. Klet comprit, et sa mine noircie se détendit un peu.

L’implantation fut rapide. Shen Siwei sentit la présence étrangère au fond de sa dent, pas agréable mais supportable.

Après avoir salué Malken, ils prirent l’aéronef vers le sud. Avec les batteries, ils purent maintenir la puissance maximale.

Peut-être à cause de la séparation à venir, aucun des deux ne dormit. Ils restèrent simplement là, côte à côte.

Au crépuscule, ils atteignirent les ruines du sud. Klet gara l’aéronef sur le toit du musée, le temps que le moteur lance son programme d’auto-nettoyage.

Alors que l’orange du couchant cédait la place aux ombres et que des oiseaux difformes tournaient déjà dans le ciel, Shen Siwei sortit plusieurs batteries du coffre.

— Tu fais quoi avec ça ? demanda Klet, intrigué.
— On va au parc d’attractions.

Klet cligna des yeux, puis comprit.

Le parc se trouvait juste dans la rue d’à côté. Ils évitèrent quelques petits monstres et arrivèrent devant la grande roue.

— Tu vas monter dans la grande roue avec moi ? demanda Klet, mi-incrédule, mi-touché.

Shen Siwei trouva le câble d’alimentation, le connecta à une batterie et appuya sur l’interrupteur. La grande roue s’illumina d’un coup, ses néons clignotants se reflétant dans les yeux de Klet comme un ciel étoilé. Son expression se fendit d’une émotion brute, presque enfantine.

— Bon, on ne les a pas transportées pour rien, constata Shen Siwei. Tu montes ?

Klet ne répondit pas. Il l’attrapa par le poignet et l’entraîna dans une cabine.

Elle était décorée façon monde marin avec des sardines et des étoiles de mer, le tout noyé sous une épaisse couche de poussière.

— C’est pas ton Patrick Étoile préféré, ça ? taquina le militaire.

Klet fronça les sourcils.

— C'est bien son nom. Et pour la peine, tu me regarderas Bob l’Éponge toute une journée avec moi.

Shen Siwei sourit et ajouta mentalement la punition à sa liste de choses à faire ensemble.

La cabine s’éleva. La vue s’ouvrit. Klet ne lâchait pas la vitre du regard, captivé.

Mais à la tombée de la nuit, la ville n’offrait aucune splendeur nocturne. Pire : cette grande roue lumineuse fit office de phare, attirant toutes sortes de créatures. De sombres silhouettes accouraient de toutes directions, une marée noire. Même Shen Siwei, pourtant indestructible, se sentit un peu crispé en songeant que Klet, lui, restait vulnérable.

— On devrait peut-être y aller ? suggéra-t-il en lui prenant le poignet.
— Encore un peu, répondit Klet, les yeux brillants. Je veux voir le sommet.

Les monstres affluaient. Une araignée déformée, gigantesque, avançait lentement vers eux. Les rats mutés montaient déjà dans les cabines inférieures, rongeant le métal.

Lorsque leur cabine atteignit enfin le sommet, Klet regarda la ville engloutie sous l’obscurité.

— Si cet endroit n’était pas abandonné, ce serait magnifique, dit-il avec un regret doux-amer.

Shen Siwei, qui avait déjà fait ce genre de tour, visait surtout les rats. Il en abattit plusieurs d’un tir propre.

— On y va.
— D’accord.

La cabine tanguait dangereusement. Shen Siwei la força et ouvrit la porte.

— Je t’emmène.

Dix étages les séparaient du sol. 

— T’inquiète pas pour moi.

Klet sortit de la cabine avant même qu'il ne puisse protester, bondissant vers la tour de chute libre voisine. Il descendit en quelques sauts, souple, précis, puis sauta au sol comme si c’était une simple marche. Le soldat réalisa alors que sa force monstrueuse de la fois précédente n’était pas due à la glace glissante.

Klet était tout simplement beaucoup plus costaud que prévu.

Les rats se multipliaient. Il sauta à son tour.

Klet avait déjà dégagé un espace en éliminant plusieurs créatures. Ils se rejoignirent et prirent la direction du musée.

Une araignée gigantesque leur barra la route. Shen Siwei trancha l’une de ses pattes mais fut presque pris dans une toile projetée. Klet surgit d’un angle de bâtiment, le saisit et l’entraîna hors de portée. Ils roulèrent sur un toit, haletants.

— Attaque pas un monstre avant de connaître ses caractéristiques, grogna le fugitif.

Shen Siwei, qui ne s’était jamais fait engueuler de sa vie, demanda, curieux :

— D’où tu sors toutes ces compétences, toi ?
— Je suis une espèce évoluée. Tu me crois ? répondit Klet en se redressant.

Shen Siwei fronça les sourcils. Klet était le premier nouveau-né après la Déclaration, mais étaient-ils tous comme ça ?

— Je suis pas un monstre, hein, ajouta celui-ci.

Une patte arachnéenne les menaça de nouveau. Ils prirent la fuite à travers les ruines et regagnèrent l’aéronef.

Les lumières avaient disparu, mais la horde restait attirée par l’endroit.

Heureusement, le moteur était prêt. Ils décollèrent et prirent la direction du littoral.

— Ils sont vraiment attirés par les lumières, constata Shen Siwei. C’est pareil pour tous les monstres ?
— Oui. Et chacun a ses particularités. Je te les expliquerai quand on aura le temps, dit Klet.

Shen Siwei pensa au journal d’Amor : la vraie profondeur d’une personne ne se mesure pas à ses lectures, mais à son vécu. Et personne ne connaissait les créatures hors de l’Arbre de Vie aussi bien que Klet.

— On dirait un biologiste, dit-il, soudain pris d’une envie fugace de voyager avec lui.
— Un biologiste ? Ouais, ça sonne bien. Ou “monstrologue”. Encore plus cool.
— Tu es le plus cool de tous, répondit Shen Siwei.

Son communicateur vibra. Il ravala son sourire :

— C’est Moran.

 

 

 

 


 

 

 

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