Top Edge : Chapitre 54 - Il devait respirer
— Appuie sur le bouton, puis mets le haut-parleur.
La voix de Moran résonna dans la cabine de l’aéronef.
— Tu es toujours à la Tour Technologique ? Ta position n’a pas bougé depuis deux ou trois jours.
— La tour fait plus d’une centaine d’étages. Je cherche encore des indices, étage par étage.
— Tu as trouvé quelque chose ?
— Non. On dirait que la piste est froide.
— Alors reviens. Je te l’avais dit, les chances de retrouver Amor sont minces.
Shen Siwei soupira.
— D’accord.
Moran l’informa ensuite qu’il enverrait un aéronef de l’Arbre de Vie pour le récupérer ; un modèle bien plus rapide que le leur. Quand Shen Siwei et Klet arriveraient à la Tour Technologique, l’aéronef serait presque déjà là.
— Il n’a pas l’air méfiant, dit Klet en poussant le moteur à pleine puissance.
— Ce n’est pas quelqu’un de très… pointilleux, répondit Shen Siwei en ajustant sa position.
— N’est-il pas ton supérieur ? Après avoir enclenché le pilote
automatique, Klet libéra ses mains. Pour atteindre un poste aussi haut
dans l’armée, il doit bien avoir un minimum de compétences.
— Il est né dans une famille riche. Son grand frère est une figure politique de troisième cercle.
La mère de Shen Siwei avait beau être ingénieure en centrale électrique, un titre qui sonnait bien, elle restait une citoyenne lambda, loin des sphères de pouvoir.
— Je vois, fit Klet, hochant la tête, visiblement soulagé d’apprendre que Moran n’était ni très malin ni très minutieux.
⸻
Avant le lever du soleil, ils atteignirent la Tour Technologique. L’aéronef envoyé par Moran n’était pas encore arrivé, et celui d’Amor et Li était toujours stationné là.
Pour éviter d’être vus, Klet gara leur appareil dans le bâtiment voisin. Shen Siwei retourna dans le bureau de sa mère, remit la puce d’identification dans son poignet, puis rejoignit Klet sur le toit.
La nuit s’effaçait lentement. La mer noire, vaste et silencieuse, scintilla bientôt de reflets dorés. Le soleil perça l’horizon d’une lumière vive. Les oiseaux s’envolèrent, les poissons bondirent, la scène était presque irréelle.
Assis au bord du toit, les cheveux baignés de lumière, Shen Siwei laissa sa tête reposer contre le cou de Klet.
— C’est beau… murmura-t-il.
— Il existe des endroits encore plus beaux. Je t’y emmènerai, chuchota Klet.
Shen Siwei releva la tête.
— Je dois y aller.
— Je sais.
Le soldat retira son masque à oxygène :
— Tu ne veux pas...
Il n’eut pas le temps de finir. Klet l’embrassa.
Un baiser de séparation, chargé de douceur et d’une tristesse tenace. Klet, d’habitude si rapide à s’agacer, donnait l’impression d’y verser tout ce qu’il ne disait jamais.
Shen Siwei tint bon, jusqu’à en avoir la tête qui tournait, sans jamais rompre le baiser. Klet finit par le lâcher.
— Ça va ?
— Hm… fit le capitaine en remettant son masque.
Klet fronça les sourcils.
— Dans cet état-là, comment on fera pour… pour le reste, plus tard ?
— Le reste ? répondit Shen Siwei.
Avant qu’il ne puisse demander ce que « le reste » signifiait, un grondement d’aéronef déchira le ciel.
— Ils sont là, dit Shen Siwei.
Ils descendirent immédiatement dans un couloir isolé. Klet retint son poignet, refusant de lâcher prise.
— Tu dois revenir.
— Je reviendrai.
— Je t’attendrai.
Shen Siwei hocha la tête et reprit son apparence de début de mission : cheveux châtains, yeux verts.
L’aéronef militaire se posa presque instantanément. Deux pilotes en descendirent.
— Capitaine Shen, nous sommes là pour vous escorter, dirent-ils.
Il monta calmement à bord. À travers le hublot, il aperçut Klet dans le couloir, le suivant des yeux jusqu’au bout. Une douleur sourde lui traversa la poitrine, comme si on lui arrachait une bonne portion de son cœur. Il détourna le regard.
⸻
Les pilotes étaient muets comme des pierres. Moran leur avait clairement donné des instructions.
Le communicateur de Shen Siwei vibra. Il coupa l’appel et écrivit plutôt :
[Shen Siwei : Pas le moment.]
[Leizhe : Capitaine, j’ai appris que vous rentriez.]
[Leizhe : Vous retournez auprès de Moran ?]
Shen désactiva les notifications.
[Shen Siwei : Oui.]
[Leizhe
: J’ai une faveur à vous demander. J’ai un partenaire, Avis. Il s’est
infiltré de son plein gré chez Moran pour chercher l’accord. Mais je
n’ai plus aucune nouvelle. Si vous retournez là-bas, pouvez-vous le
retrouver ?]
Avis… Le hacker que Klet avait mentionné.
[Shen Siwei : D’accord.]
[Leizhe : Faites attention.]
Il effaça toutes les traces.
Quand il releva les yeux, il surprit les deux pilotes légèrement tournés, à l’affût. Parfait. Il voulait justement provoquer une conversation.
— Vous appartenez à quelle unité ? demanda-t-il.
Les deux se figèrent, regard droit devant. Silence total.
Shen Siwei laissa planer quelques secondes, puis renchérit, froid :
— Êtes-vous vraiment là pour me récupérer ?
Le copilote paniqua.
— Oui ! Nous… nous faisons partie de l’unité opérationnelle !
— C’est si difficile de répondre ? dit le capitaine d’un ton sec.
— Non, c’est juste que… vous êtes une légende. J’hésitais à vous parler.
Mensonge évident. Ils suivaient les ordres de Moran.
Shen Siwei poursuivit, presque distrait :
— Et qu’est-ce qui me rend « légendaire » ?
— Vos capacités… au combat. On ne voudrait surtout pas vous mettre en colère.
Quelque chose clochait. Il n'était pas de nature compliquée, alors pourquoi craindre de le froisser s'ils le ramenaient simplement à bon port ?
— Pourquoi me mettriez-vous en colère ? demanda Shen Siwei. On appartient à la même unité.
Le pilote intervint :
— Nous ne vous connaissons pas bien. Nous ignorons… votre tempérament.
Le capitaine cessa d’insister.
— Vous êtes déjà allés dans les Ruines du Sud ?
— Oui.
— En mission ?
Silence. Les deux baissèrent la tête.
Et soudain, l’ordre tomba dans la tête de Shen Siwei. Dormir. Moran venait de lui imposer le sommeil forcé.
Il ferma les yeux immédiatement, imitant l’endormissement.
— Ouf… soupira le copilote. J’avais peur qu’il détruise l’aéronef à mains nues comme la dernière fois.
— Ça devrait aller.
— Mais il a demandé si on était en mission… tu crois qu’il sait qu’on a emmené Amor ?
— S’il posait la question, c’est qu’il n’a pas d’infos solides. Tant qu’on finit le trajet, tout ira bien.
Le copilote retira le masque à oxygène.
— Bon. Là, c’est réglé.
Shen Siwei avait envisagé la solution radicale : tuer Moran, récupérer ses souvenirs au centre de contrôle, et en finir. Mais il ignorait encore si sa mémoire était vraiment là, et surtout, s’il tuait Moran, il risquait de perdre définitivement la trace d’Amor. Miller risquait de mal réagir au meurtre d'un colonel. Et puis, il avait une faiblesse : il devait respirer.
Il s’était donc résigné à suivre le plan initial. Il ne s’attendait juste pas à se retrouver sans masque aussi vite.
Récupérer ses souvenirs, sauver Amor, retrouver Avis… Ce retour s’annonçait bien plus compliqué que prévu.
Évidemment que les choses ne seront pas aussi simple bébé 😭
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