Silent Reading : Chapitre 14 - Julien XIV
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— « Ce que je déteste le plus, c'est établir le profil de la victime. » Lang Qiao fit la moue, tenant son stylo coincé entre son nez et sa bouche. « Parfois, elle a été tuée sans raison, et je n'arrive pas à l'accepter. Je me répète sans cesse : pourquoi ? Pourquoi une personne parfaitement honnête finit comme ça ? Pourquoi quelqu'un qui a travaillé dur toute sa vie finit abattu par un minable sorti de nulle part ? Mais quand la victime mérite d'être punie, je me dis que c'est bien fait, et que retrouver le meurtrier revient à réconforter l'ennemi, et je... aïe ! »
Luo Wenzhou venait de rouler un dossier en tube et lui donna un coup sec derrière la tête, interrompant son discours interminable.
Lang Qiao se tint l'arrière du crâne :
— « Pourquoi tu me frappes ? Les policiers sont aussi humains ! »
— « Tu veux ton salaire » ? demanda Luo Wenzhou.
— « ...Oui. »
— « Alors fais ton boulot. C'est quoi tout ce blabla ? »
Il tira un tableau blanc. Sous la photo du jeune homme avec une cicatrice en forme de croissant de lune sur le front, il nota : "He Zhongyi, homme, dix-huit ans, livreur, originaire de la province H", et d'autres informations de base.
Puis, par-dessus le tableau blanc, par la vitre transparente du bureau, il aperçut Fei Du tenir compagnie à la mère de He Zhongyi.
Désespérée par la libération de Zhang Donglai et sans doute convaincue de n'avoir plus personne vers qui se tourner, elle avait pleuré jusqu'à s'effondrer. Fei Du l'avait soutenue en entrant.
Peut-être s'était-elle instinctivement accrochée à une bouée, ou peut-être avait-elle cru que le jeune héritier, faisant partie du groupe de Zhang Donglai, elle "ne pouvait pas le laisser s'en tirer" ; dans son état second, elle avait inconsciemment agrippé les vêtements du jeune homme.
Pourtant, Fei Du n'avait pas cherché à se dégager de force de cette femme maladive et rabougrie. Au contraire, il s'était calmement assis avec elle.
Luo Wenzhou la regardait tenir la main du brun à ses côtés qui, penché vers elle, lui parlait doucement. Ses paroles parvenaient à la calmer petit à petit, au point qu'elle hochait ou secouait parfois la tête pour répondre.
— « Ma Xiaowei a-t-il été relâché ? » demanda le capitaine en continuant de les observer.
—
« Non, » répondit Tao Ran en posant son téléphone. « Il a fait une
crise de manque d'après le sous-bureau. En fouillant chez lui, ils
auraient trouvé pas mal de drogue en vrac, donc ils l'ont gardé en
détention. »
— « On peut l'amener ici pour l'interroger ? »
— «
Impossible. Son état est trop instable. Si quelque chose arrive, ils
refusent d'assumer. Si on veut vraiment l'interroger, il faudra envoyer
quelqu'un là-bas. »
Wang Hongliang avait décidé de ne laisser personne seul avec Ma Xiaowei, le traitant comme une pièce de musée. On pouvait l'observer à travers une vitre, mais pas le déplacer.
À ce moment, deux enquêteurs entrèrent avec un carton.
— « Chef, on a apporté toutes les affaires personnelles de He Zhongyi. Il y a peut-être quelque chose d'utile. »
La victime n'avait pas grand-chose. Quelques vêtements, principalement son uniforme de livreur, quelques effets personnels basiques, l'emballage de son téléphone qu'il n'avait pas jeté, et un carnet servant à un registre de comptes.
Outre son travail de livreur, il devait souvent faire des petits boulots temporaires. Ses revenus étaient dispersés, mais mis bout à bout, il gagnait autant qu'un travailleur de bureau lambda.
Le
registre était tenu avec soin, même un petit-déjeuner à 2,5 yuans y
figurait. En le feuilletant, Luo Wenzhou s'arrêta soudain.
— « À quoi ressemblait le bout de papier collé sur le front de la victime ? Montrez-moi. »
Un collègue lui donna une photo en gros plan.
"Argent" était mal écrit, d'une écriture enfantine maladroite. Le crochet droit du caractère prenait presque toute la place. Exactement comme celui dans le registre de He Zhongyi.
— « C'est bien son écriture », dit Tao Ran. « Attends... je me rappelle que la nuit du crime, il tenait une enveloppe en attendant devant le Manoir Chengguang. Et on ne l'a jamais retrouvée. Qu'y avait-il dedans ? »
Luo Wenzhou parcourut vite le carnet.
— « De l'argent ? Regardez ici. »
Dehors, Fei Du hochait la tête.
—
« Les frais de traitement étaient énormes. Mais à l'époque, il venait
juste d'arriver en ville et de commencer à travailler. Où aurait-il
trouvé une telle somme ? »
— « Il a dit qu'il avait reçu une avance de son... fixe¹ », murmura Mme He.
Il mit un instant à comprendre.
— « Vous voulez dire son employeur ? »
Wang Xiujuan était en mauvaise santé. Villageoise, elle n’était guère habituée au monde extérieur. Elle ne comprenait pas la situation des ouvriers, avec leur travail temporaire et pénible. Beaucoup gagnaient juste de quoi vivre jusqu'au lendemain ; patrons et ouvriers se doutaient que l'autre pouvait partir à tout moment. Un employeur qui acceptait de donner une avance sur salaire à un ouvrier faisait presque acte de charité. Mais même s'il était disposé à apporter son aide en cas d'urgence, une avance sur un ou deux mois de salaire était déjà un geste énorme. Les frais médicaux de Mme He représentaient plusieurs années de salaire d'un livreur. Impossible de rembourser une telle dette par simple labeur. Sauf à payer autrement que par le travail.
Fei Du, expert en beauté masculine, se rappela le visage de He Zhongyi. Il ne valait pas un tel prix.
Qui lui avait donné cet argent ? Et pourquoi n'en avait-il pas parlé à sa mère ?
⸻
Une dette de 100 000 yuan était inscrite dans le registre, sans aucune explication.
Toute la journée, les enquêteurs interrogèrent collègues et connaissances, mais personne n'était au courant et personne ne lui avait prêté.
Quand Luo Wenzhou et Tao Ran revinrent au Commissariat Central, Mme He dormait recroquevillée sur des chaises. Fei Du lui avait trouvé une couverture.
— « Pourquoi elle dort ici ? » demanda l'adjoint à voix basse.
— « Je lui ai proposé un hôtel, mais elle a refusé. Elle veut attendre ici jusqu'à ce que vous attrapiez le meurtrier. »
Voyant la sueur sur le front de Tao Ran, Fei Du lui tendit un mouchoir.
— « Tu travailles toujours aussi dur ? Ça me fait mal au cœur. »
—
« C'est ça, la vie de flic », répondit froidement Luo Wenzhou. « Si ton
cœur souffre, paie plus d'impôts et fous-nous la paix. D'ailleurs,
pourquoi un grand patron très occupé traîne toujours dans nos pattes ? »
Fei Du esquissa un sourire.
—
« J'ai des gestionnaires. Même si je jetais toute la fortune familiale,
les intérêts de ce qui reste à la banque suffiraient à me faire vivre
mieux que toi, une vie entière. »
Tao Ran laissa échapper un soupir intérieur.
Ces deux-là ne pouvaient pas passer trois minutes sans se chamailler.
Il les sépara de force.
Il entraîna Luo Wenzhou, d'une main, dans le bureau ; de l'autre, il pointa Fei Du du doigt pour l'avertir. Ne trouvant pas cela désagréable, le jeune homme lui saisit le doigt avec un sourire équivoque.
— « Toi... ! » s'énerva Luo Wenzhou.
Tao Ran ferma la porte du bureau et dit, impuissant :
— « Ce soir, après mon service, vous pourrez prendre rendez-vous pour vous battre, si ça vous chante. »
Son capitaine devina avec précision le sous-entendu derrière ces mots.
— « Oh ? Tu as des plans après le travail ? »
— « Oui. Un rendez-vous arrangé. »
Son meilleur ami resta bouche bée.
Tao Ran lui tapa l'épaule.
— « J'ai l'âge de me ranger, je ne peux pas rester éternellement célibataire avec toi. »
Luo Wenzhou baissa la tête, marmonna un instant, puis sourit, l'accusant du doigt.
— « Espèce de traître ! Notre éternelle Ligue des Morts-Vivants ne te laissera jamais tranquille. »
Tao Ran réfléchit.
— « Alors je te soudoierai. Quand j'aurai un enfant, je ferai de toi son parrain. »
—
« Non », dit son capitaine en agitant la main. « Un Luo Yiguo me
suffit. Je n'ai pas envie de paternité. L'avenir de la nation dépendra
de vos efforts acharnés, vous les hétéros. »
Il ajouta, magnanime :
— « Bon, vas-y, ne fais pas attendre ton rencard. De toute façon, tu ne trouveras aucun indice en perdant ton temps ici. Si le meurtrier est proche de Zhang Donglai et suit l'évolution de l'enquête, je pense qu'il agira rapidement. Nous enquêterons en attendant. »
Tao
Ran secoua la tête, rassembla ses affaires et s'apprêtait à partir
lorsque, derrière lui, Luo Wenzhou l'interpella brusquement.
— «
Tu as trahi l'association, j'ai vraiment l'impression d'avoir été
abandonné », murmura-t-il avant de soupirer. « Bon, pauvre esclave du
prêt immobilier, tu veux que je te prête une voiture ? »
— « Va au diable ! »
⸻
Ce soir-là, Zhang Donglai, songeant que le mérite de sa libération revenait en grande partie à l'avocat, l'invita à dîner en tête-à-tête.
Comparés
à leurs confrères qui fournissaient des services juridiques aux grands
financiers, les avocats pénalistes occupaient des postes à haut risque,
très stressants et peu rémunérés. Il était vraiment très rare de tomber
sur une affaire aussi simple, avec un client plus riche qu'intelligent.
S'il n'avait pas étudié avec Zhao Haochang, il n'aurait pas eu une telle chance.
Après le repas, alors que son client lui avait proposé de le raccompagner, une beauté surgit et monta directement dans sa voiture. L'avocat, gêné par leurs minauderies, s'installa à l'arrière, prétextant vouloir descendre à la prochaine bouche de métro. En traversant une intersection, Zhang Donglai freina brusquement, et l'avocat fut projeté en avant. Du coin de l'œil, il lui sembla apercevoir quelque chose. Lorsqu'il se baissa pour ramasser l'objet, il se figea brusquement. C'était une cravate rayée gris argenté, dont l’un des pans portait encore l’étiquette d’une grande marque. Elle avait été roulée en forme de poisson séché et coincée dans l'espace entre les sièges de la rangée du fond.
« La victime avait subi un traumatisme crânien, puis une asphyxie avec un tissu souple... cravate, foulard... »
L'avocat sentit l'alcool s'évaporer instantanément de son corps.
Zhang Donglai, semblant enfin se rappeler de sa présence sur la banquette arrière, se retourna pour le regarder.
— « Maître Liu, avez-vous trop bu ou mal au ventre ? »
L'avocat se redressa précipitamment, son sang battait à ses tempes. Ses membres se glaçaient, ses oreilles bourdonnaient, et il força un sourire.
— « Je… j'ai un peu le vertige. »
Zhang Donglai le fixait dans le rétroviseur. Peut-être était-ce la lumière, mais il sentit quelque chose de sinistre dans ses yeux. Heureusement, son client se consacra rapidement à la belle à côté de lui.
Maître Liu prit discrètement une photo de l'endroit où il avait trouvé la cravate. Puis il allongea lentement la jambe et, du bout du pied, tira la cravate. Dissimulé derrière sa mallette, il la saisit rapidement avec sa manche et la fourra dans celle-ci.
Avant qu'il puisse retirer sa main, Zhang Donglai le regarda à nouveau, dans le rétroviseur.
— « C'est bien la station de métro plus loin ? »
L'avocat fut si surpris que son cœur faillit s'arrêter. Il perdit complètement la parole et hocha la tête d'un air hésitant.
Le conducteur arqua les sourcils.
— « Vous suez à grosses gouttes. L'air conditionné n'est pas assez fort ? »
— « N'en mets pas plus, j'ai froid ! » intervint la femme.
Sans l'intervention de cette ignorante, l'avocat aurait perdu la raison. Il ne sut pas comment il réussit à sortir de la voiture.
Zhang Donglai passa poliment la tête par la fenêtre :
— « Maître Liu, êtes-vous sûr que ça va ? Pas besoin que je vous raccompagne ? »
L'avocat s'efforça de détendre ses muscles faciaux.
— « Ce n'est vraiment pas nécessaire. »
Heureusement, le désir de Zhang Donglai pour la belle à ses côtés l’emporta ; il n’avait aucune envie de perdre du temps à raccompagner cet homme robuste. Il accéléra donc rapidement et démarra.
Le vent nocturne glacé fit courir un frisson le long de sa colonne vertébrale trempée de sueur.
1Fixe : Mme He utilise le terme « son fixe » pour désigner maladroitement l’employeur régulier de son fils, par opposition aux petits boulots temporaires. Cette formulation ambiguë, un peu « paysanne », explique que Fei Du ne comprenne pas tout de suite ce qu’elle veut dire.
🕵️♂️ Récapitulatif de l’enquête — Chapitre 14
Personnages
🔸 Maître Liu (avocat de Zhang Donglai)
Jusqu’ici simple avocat un peu nerveux, jusqu’à sa découverte capitale : une cravate dans la voiture de Zhang 🔸 Donglai, potentiellement l’arme du crime.
🔸 Mère de He Zhongyi (Mme He) : Contexte essentiel sur les finances du fils, notamment l’“avance de son fixe/employeur”. Elle refuse de quitter le commissariat tant que le meurtrier n’est pas arrêté.
🔸 Zhang Donglai : Toujours le même. Libéré, inconscient de la gravité de la situation… mais l’objets trouvé dans sa voiture change tout.
🔸 Ma Xiaowei (mentionné) : impossible à interroger pour l’instant, crise de manque + drogue retrouvée.
🔸 Wang Hongliang : Continue de verrouiller l’accès à Ma Xiaowei.
Indices découverts dans ce chapitre
🔸 L’écriture sur le front de la victime
- Le mot “argent”, mal écrit, correspond exactement à l’écriture de He Zhongyi dans son carnet.
→ Révélation majeure : le mot sur le front n’est pas laissé par le meurtrier, mais par la victime elle-même.
🔸 Le registre des comptes de He Zhongyi
- Tout est noté minutieusement, jusqu’à un petit-déjeuner à 2,5 yuan.
- Une dette de 100 000 yuan y apparaît, sans explication ni prêteur.
🔸 L’enveloppe manquante
- La nuit du crime, He Zhongyi attendait devant le Manoir Chengguang avec une enveloppe.
- Cette enveloppe n’a jamais été retrouvée.
- Hypothèse : elle contenait probablement de l’argent.
🔸 La cravate trouvée dans la voiture de Zhang Donglai
- Découverte par l’avocat.
- Marque de luxe, pliée et coincée sous un siège à l’arrière.
- Correspond possiblement à la cause d’asphyxie décrite par le légiste.
🔸 Témoignages
- Mme He : confirme que son fils parlait d’“une avance de son employeur”.
→ Incohérent avec les montants énormes de la dette.
→ Soulève un doute majeur : d’où venait réellement cet argent ?
🔸 Interrogatoires / interactions notables
- Ma Xiaowei : impossible d’interroger pour l’instant.
- Zhang Donglai : aucune info directe, mais le chapitre met en place le retour de la suspicion… autrement.
Hypothèses & pistes à relier avec les chapitres précédents
🔸 Mobile financier
- Chapitre 7 : première apparition des problèmes d’argent de He Zhongyi.
- Chapitre 9 : comportement de la victime la nuit du crime, nerveux, rendez-vous mystérieux.
- Maintenant :
- dette de 100 000 yuan
enveloppe disparue,
écriture sur son propre front…
→ tout converge vers une affaire d’argent plus complexe qu’un simple chantage.
🔸 Le cercle de Zhang Donglai
- Jusqu’ici il jouait le rôle du suspect facile.
- Avec la cravate, le “hasard” bascule :
→ retour de la piste aristocrates / jeunes maîtres du Manoir Chengguang.
🔸 Fei Du
- Sa présence permet d’obtenir des informations émotionnelles que la police n’aurait jamais eues.
Éléments clés à retenir
🔸 Écriture = celle de la victime → le message n’est pas adressé à la victime, mais par la victime.
🔸 100 000 yuan mystérieux → origine inconnue, incohérente avec les ressources de la famille.
🔸 Enveloppe manquante → point central.
🔸 Cravate trouvée → première preuve matérielle directe suggérant un homicide par strangulation.
🔸 La piste “employeur” n’est pas crédible → donc qui a prêté l’argent ? Pourquoi ? Et que devait faire la victime en échange ?
J'ai l'impression qu'un seul chapitre par semaine suffit finalement (dites-moi si je me trompe) donc je ne poste que le 14
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Hâte de lire la suite !
RépondreSupprimerEt j'ai hâte de la partager ! Surtout les moment entre nos chat élégant et son chien rustre 🤭
SupprimerOui j'adore leur dynamique et j'ai hâte de voir le changement se faire entre les 2 😁
SupprimerBientôt.... ;)
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