Top Edge : Chapitre 60 - Mars percutant la Terre

 

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Quartier Sud Inférieur, quartier général des Rossignols

Sur l’écran de projection, le responsable de la communication tenait son discours préparé à la main. Assis derrière une longue table, il répondait aux questions concernant l’accord.

— Comme prévu, il joue la carte de l’ignorance pour nous enfumer, lâcha Leizhe, affalé dans un fauteuil pivotant, les longues jambes posées nonchalamment sur le bord de la table.
— Les photos ne peuvent pas être truquées, répondit Malken, tout aussi détendu, avant de tourner la tête vers Klet. Boss, on rend publique la centrale énergétique des abysses maintenant ?
— On peut, répondit Klet.
— Franchement, ça avance encore mieux que prévu, conclut Leizhe en s’étirant, l’air de dire que la victoire était déjà en poche.

Mais à cet instant, le responsable à l’écran changea brusquement de ton.

— Depuis plus d’un siècle, les Margs ont toujours placé l’Arbre de Vie et le bien-être de la population au centre de leurs priorités. Tout en assurant la stabilité de l’Arbre, ils ont offert à chacun un environnement sûr et confortable. Ce qui s’est produit aujourd’hui est quelque chose que personne ne souhaitait voir. Toutefois, la structure sociale actuelle est effectivement propice aux conflits. C’est pourquoi le gouvernement a décidé d’encourager les mariages entre Margs et civils, afin que l’Arbre de Vie devienne une véritable famille pour tous. Le fils aîné du général Miller, Adolf, épousera prochainement un civil. L’identité de l’époux est…

Leizhe ramena brutalement ses jambes au sol et fixa la photo apparue à l’écran.

— Attendez… Le capitaine n’était pas censé discuter de l’accord au sommet ? Pourquoi est-ce qu’il se marie d’un coup ?

Une demi-heure plus tôt, Avis, porté disparu depuis longtemps, avait enfin donné des nouvelles. Il avait informé Leizhe qu’il rentrait et précisé qu'après avoir été secouru par le sergent Shen Siwei, Miller l’avait emmené au sommet. Selon lui, l’attitude de Miller s’était adoucie, et des concessions étaient probablement en discussion. Ils avaient attendu. Et au lieu d’un accord, ils recevaient l’annonce du mariage imminent de Shen Siwei avec Adolf.

— Oh merde… Le négociateur ne se serait pas fait retenir de force ? supposa Malken, perplexe.

À peine avait-il fini que le bruit strident d’une chaise raclant le sol résonna à côté de lui.

Klet se leva d’un bond, le visage sombre. Sous la violence du mouvement, la chaise fut projetée à plusieurs mètres.

— Boss ! s’exclama Malken en attrapant son bras. Calme-toi, réfléchissons avant d’agir.
— Klet, n’agis pas sur un coup de tête, ajouta Leizhe en se levant à son tour. On va trouver une solution.
— Lâche-moi.

Klet, ignorant leurs paroles, baissa les yeux et fixa la main de Malken agrippée à son bras. Dans son regard profond se lisait le calme trompeur d’avant la tempête.

Il avait laissé Shen Siwei partir parce qu’il croyait qu’il reviendrait.

Et après un jour ou deux d’attente, qu’obtenait-il ?

Un mariage.

— Boss, ne fais rien d’irréfléchi. Et si on retournait la situation par l’opinion publique ? tenta Malken.

Mais Klet fit mine de partir malgré tout. Leizhe se précipita pour lui barrer la route.

— Tu comptes foncer au sommet ? Il plaqua ses mains contre la poitrine de Klet. Je sais que tu es redoutable, mais même si tu passes le deuxième ou le troisième étage, tu crois vraiment pouvoir forcer l’accès au sommet ? Le système de défense là-haut n’est pas une plaisanterie.

Les défenses des deuxième et troisième étages ne reposaient que sur l’identification. Des hackers compétents pouvaient les contourner, Avis en était la preuve. Mais au sommet, le système était intelligent, combinant reconnaissance biologique et identitaire. Même avec une fausse identité de personnel autorisé, Klet serait identifié comme intrus et réduit en poussière.

— Je le répète une dernière fois, dit Klet d’une voix glaciale. Écartez-vous.

S’ils ne bougeaient pas, il passerait vraiment à l’action. Malken comprit immédiatement et tira Leizhe en arrière.

En regardant Klet s’éloigner, celui-ci murmura, inquiet :

— Il va jeter toute sa vie par-dessus bord…
— Peut-être pas, répondit Malken gravement. Tu te souviens quand je t’ai dit que mon boss n’était pas quelqu’un d’ordinaire ?
— Il n’est pas invincible non plus, répliqua Leizhe. Une balle reste une balle.
— Ce n’est pas ça, dit le mécanicien. Je soupçonne que…

⸻

Villa de Miller.

— As-tu la moindre objection à ce mariage arrangé ?

Après un premier moment d’agitation, Shen Siwei s’était déjà calmé.

— Je te l’ai dit, répondit Adolf en buvant une gorgée de vin rouge, en matière de politique, je me conforme aux décisions de mon père. Tu ne bois pas ?
— Tu es un Marg, dit Shen Siwei sans répondre à l’invitation. Tu es vraiment prêt à épouser un civil ?
— Si c’était quelqu’un d’autre, j’hésiterais peut-être, répondit Adolf en reposant tranquillement son verre. Mais le capitaine Shen est une personne remarquable. Et notre mariage a une portée symbolique majeure pour l’Arbre de Vie. Pourquoi refuserais-je ?

Shen Siwei comprit qu’Adolf trouvait cette situation amusante. Il n’y avait aucun sentiment là-dedans, seulement de l’intérêt, et aucun préjudice personnel.

— Moi, je ne veux pas t’épouser, déclara le soldat sans détour. Si tu veux servir d’outil politique, c’est ton choix. Mais ne m’y mêle pas.
— Et alors ? Adolf haussa un sourcil, parfaitement détendu. L’annonce est déjà faite. À moins que Mars ne percute la Terre, tu n’as plus vraiment le choix.

Comment Mars pourrait-elle percuter la Terre ?

Shen Siwei réfléchissait encore lorsqu’une violente explosion retentit à l’extérieur. Le sol trembla. Lui et Adolf se tournèrent vers la fenêtre.

Des flammes s’élevaient au bout de la pelouse. Plusieurs appareils militaires fonçaient vers le lieu de l’explosion.

— L’accès aux niveaux inférieurs…

Un garde frappa violemment à la porte.

— Jeune maître Adolf ! Quelqu’un a pénétré le sommet !

Adolf fronça les sourcils et se leva.

Il se dirigea vers la porte, mais Shen Siwei l’arrêta net.

— Emmène-moi avec toi.

Dans tout l’Arbre de Vie, une seule personne oserait faire ça.

Klet.

Shen Siwei s’était attendu à ce qu'il perde la raison en apprenant la nouvelle du mariage. Mais pas à ce point.

Contrairement à lui, le corps de Klet n’était pas invulnérable. Même avec des capacités de combat exceptionnelles, il ne pouvait pas esquiver des balles venant de toutes parts.

Le cœur de Shen Siwei manqua un battement.

Adolf, lui, haussa simplement un sourcil.

— Je ne savais pas que tu aimais observer le chaos.
— Emmène-moi, répéta le capitaine, la voix tremblante. Emmène-moi… et je t’épouse.
— Oh ?

Adolf fut plus intrigué que concerné.

Les flammes dehors gagnaient en intensité, mêlées aux cris des gardes. Adolf donna finalement l’ordre de partir. Ils descendirent au garage du rez-de-chaussée. Tous trois montèrent dans un véhicule de jardin et foncèrent vers la zone de l’incident. L’oxygène à l’intérieur restait à un niveau normal, permettant à Shen Siwei de respirer sans difficulté. Le garde, lui, portait tout de même une bouteille d’oxygène : à proximité du site, l’air serait raréfié. Le capitaine envisagea un instant de la lui arracher, mais les gardes n’étaient pas des domestiques. Ils étaient entraînés militairement, et vu son état physique, c’était peine perdue. Il se contenta donc de fixer l’extérieur par la vitre.

Et comme il s’y attendait… C’était bien Klet.

Il se tenait près du passage d’accès, à côté d’un chasseur en flammes. Selon toute logique, il avait forcé les défenses du deuxième étage avec un appareil, s’était emparé d’un chasseur au centre militaire, puis avait foncé jusqu’au sommet. L’explosion précédente devait être celle des missiles pulvérisant la porte du passage.

Mais une question obsédait Shen Siwei.

Pourquoi le système de défense du sommet était-il resté silencieux ?

Il couvrait pourtant toute la zone, y compris l’entrée principale de la résidence de Miller. Klet était clairement dans son champ d’action.

Alors pourquoi aucune arme ne s’était activée ?

Quoi qu’il en soit, Klet ne semblait souffrir que de blessures légères et Shen Siwei sentit la tension retomber d’un cran.

Adolf s’avança. Les voix étouffées leur parvinrent à travers la vitre.

— Qui êtes-vous ?
— Où est le capitaine Shen ?

Klet fit un pas en avant. Instantanément, tous les canons et fusils se braquèrent sur lui. Le cœur de Shen Siwei se serra.

Heureusement, Klet s’arrêta et répondit calmement :

— Je viens chercher quelqu’un.
— Oh ? Intéressant. Adolf, toujours en pyjama, paraissait parfaitement détendu. Quel est votre lien avec le capitaine Shen ?
— Ça ne vous regarde pas.
— Quel caractère… Adolf échangea quelques mots à voix basse avec un garde, puis reprit. J’ai entendu dire que vous étiez un criminel recherché.

Klet ne répondit pas. Son regard était rivé sur la villa, cherchant visiblement Shen Siwei. Ce dernier frappa à la vitre, tentant d’attirer son attention. Mais la voix d’Adolf couvrit le bruit.

— D’après le système… Adolf observa l’ordinateur portatif, surpris. Vous êtes un Marg.
— Pourquoi croyez-vous que ces armes ne m’ont pas attaqué ?

Shen Siwei en resta figé.

Le système de défense du sommet disposait d’une couche d’authentification biologique capable d’analyser l’identité, l’âge et d’autres paramètres. Si Klet était un Marg, tout s’expliquait. Les systèmes de l’Arbre de Vie n’attaquaient jamais les Marg. Les niveaux inférieurs, eux, ne reposaient que sur l’identification : Klet n’y était pas enregistré comme Marg, d’où les attaques subies aux deuxième et troisième étages. Le chasseur brûlé avait sans doute été endommagé là-bas. Ce n’est qu’en atteignant le sommet que les défenses avaient cessé toute action.

Shen Siwei fixa Klet et se souvint soudain de ce qui s’était passé cinq ans plus tôt.

Pas étonnant qu’il se soit moqué de lui, l’appelant « le nabot », insistant sur le fait qu’il n’y avait personne comme lui chez les Margs.

Parce que Klet était lui-même un Marg.

— Puisque vous êtes un Marg, demanda Adolf en rangeant l’appareil, pourquoi vivre dans les niveaux inférieurs comme un criminel ?
— Demandez plutôt à votre père, répondit Klet avec impatience, pourquoi il a mis ma mère en cloque.

Le souffle de Shen Siwei se coupa.

Klet était le fils de Miller ?

Avant même qu’il puisse assimiler le choc, un cri retentit dans la villa. Puis l’assistant personnel de Miller jaillit dehors, livide.

— C’est terrible ! Le général Miller s’est suicidé !

Miller est mort.

Shen Siwei n’arrivait plus à réfléchir.

Il semblait que, cette fois, Mars avait réellement percuté la Terre.

 

 

 

 Et quand il n'y en a plus, il y en a encore ! Houhou, super fiesta chez les Margs ! Ça va finir en mode Cluedo tout ça.

 

 

 

 

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