Top Edge : Chapitre 44 - La tour

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Quand Shen Siwei se réveilla, le ciel s'était éclairci.

Les pigeons tournaient encore en cercles dans le ciel, mais les aboiements des chiens difformes, qui avaient martelé la porte toute la nuit, s'étaient évanouis.

Il se redressa sur son siège et constata que Klet n'était pas à ses côtés. Il balaya le hublot du regard : pas un signe de lui non plus sur le toit.

Ils étaient censés monter la garde à tour de rôle, mais Klet ne l'avait pas réveillé.

Une brusque inquiétude monta dans sa poitrine. Il quitta en hâte l'aéronef pour découvrir le fugitif, lampe torche à la main, posté à l'entrée du couloir.

- Où étais-tu passé ?
- Je me baladais, répondit Klet d'un ton détaché, avant de contourner l'aéronef pour vérifier l'état du moteur. On décolle ?

Shen Siwei fronça les sourcils. Cette « balade » avait quelque chose de louche. Mais peut-être que Klet voulait simplement profiter du musée une dernière fois. Rien d'anormal, en soi.

- Allons-y, dit-il simplement.

Le soleil monta, puis bascula lentement dans leur dos. Enfin, la côte apparut devant eux.

À l'horizon, la mer d'un bleu profond découpait une ligne nette entre la ville et le ciel, comme tracée d'un seul geste de pinceau. Aucune embarcation sur les flots ; seulement, de temps à autre, d'énormes poissons bondissant hors de l'eau pour happer les oiseaux planant trop bas.

Ils poursuivirent leur vol. La ligne bleue devint plage, la plage révéla ses ossements.
Des squelettes de poissons géants gisaient parmi les détritus rejetés par la mer. Des plastiques multicolores s'enchevêtraient aux carcasses blanches, grotesques parodie de décor marin.

Shen Siwei détourna le regard et interpella Klet, qui somnolait les yeux clos :

- Tu vois là-bas, le vaisseau d'Amor et Li ?

Perché au sommet d'une tour de plus de cent étages, un aéronef se dessinait, anachronique. La couleur et la structure correspondaient en tout point à celui aperçu sur les enregistrements de surveillance.

Klet fit un geste, zooma l'image sur le pare-brise, et confirma :

- Oui.

Shen Siwei orienta aussitôt leur appareil vers le toit de la tour.

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De près, l'aéronef portait une fine couche de poussière : il n'avait pas bougé depuis un moment. Mais Amor et Li restaient introuvables.

Klet força la vitre, puis appuya sur le bouton de mise en marche. L'écran s'alluma. Les données indiquaient un dernier vol, une semaine plus tôt. Exactement dans la chronologie supposée.

Mais quelque chose clochait.

- Ce n'est pas normal, dit Shen Siwei en remarquant les batteries intactes à l'arrière. Tu crois qu'ils auraient attendu ici une semaine entière ?

Klet, les yeux fixés sur l'immensité marine, se renfrogna.

- J'en doute.

Pour admirer la mer, une demi-journée aurait suffi. Même un passionné des flots n'y resterait pas une semaine entière.

- Allons jeter un œil, dit Shen Siwei, et alors qu'il s'avançait vers le couloir, Klet le retint brusquement.
- Ce bâtiment technologique a cent dix étages. Si on les fouille ensemble, ça risque de prendre une éternité. Mieux vaut se séparer : je prends les étages impairs, toi les pairs.

La proposition paraissait sensée, mais elle fit naître chez Shen Siwei une crispation subtile.

En repensant à l'attitude étrange de Klet, le matin même, il pinça les lèvres et répondit d'un ton neutre :

- Très bien.

Après leur séparation au dernier étage, Shen Siwei pénétra, lampe en main, dans le plus haut des étages pairs.
Un vaste restaurant s'ouvrait devant lui. À travers les baies vitrées, il apercevait la prétendue « beauté » du littoral au loin.

Le bâtiment technologique avait été, à son époque, l'édifice le plus futuriste de la ville, avec certains étages ouverts au public comme attractions touristiques.

Ne trouvant aucune trace d'Amor ni de Li dans le restaurant, Shen Siwei descendit d'un niveau. Klet, lui, avançait beaucoup plus vite : le faisceau de sa lampe était déjà plusieurs étages en contrebas.

Sans s'en rendre compte, Shen Siwei accéléra, mais après avoir fouillé une dizaine d'étages, il n'avait toujours rien trouvé.

Le dernier espace ouvert avant les niveaux inférieurs était un jardin suspendu. Le lieu, abandonné depuis longtemps, portait une épaisse couche de poussière sans empreintes : Amor et Li n'y avaient clairement pas mis les pieds.

Pourtant, en contemplant le paysage, les souvenirs de Shen Siwei se teintèrent soudain de couleurs vives.

Il se rappela qu'enfant, sa mère, ingénieure de métier, lui décrivait souvent les paysages au-delà de l'Arbre de Vie, et ce jardin revenait sans cesse dans ses histoires.

« Le bureau de maman donnait sur la mer, mais pour la voir vraiment, rien ne valait le jardin du toit. Là-haut, on sentait la brise marine, chose impossible à percevoir à l'intérieur de l'Arbre de Vie. »

S'il se fiait à sa mémoire, il avait déjà vu ce jardin sur des photos conservées par sa mère.
En remontant plus loin dans ses souvenirs, il se dit que ce lieu s'appelait sans doute le Bâtiment Technologique.

C'était donc ici que sa mère avait travaillé.

Guidé par le hasard ou le destin, Shen Siwei n'aurait jamais pensé y mettre les pieds.

Il fit aussitôt demi-tour et descendit encore, jusqu'à tomber sur un centre de design, dans une partie du bâtiment interdite au public.
À ce stade, peu importait que l'étage fût pair ou impair.

Suivant les panneaux, il arriva jusqu'au plateau des bureaux d'ingénierie. Là, il aperçut la lueur vacillante d'une lampe dans un bureau.

- Qu'est-ce que tu cherches ? demanda Shen Siwei, éteignant sa propre lampe en s'avançant, le visage fermé.

Pris de court par cette apparition, Klet se gratta l'arrière de la nuque, un peu gauche. Mais avant qu'il n'ouvre la bouche, Shen Siwei enchaîna :

- Et ce matin, au musée... tu cherchais déjà quelque chose, n'est-ce pas ?

Klet ne prit même pas la peine de nier.

- Oui.

Shen Siwei plissa légèrement les sourcils et demanda

- Alors tu m'as suivi pour ça ?

Pris de court par sa méfiance, le fugitif hésita un instant avant de sourire en coin

- Je cherchais bien quelque chose, mais je n'avais pas l'intention de te le cacher.

Shen Siwei resta sans répondre.

- Vraiment, je cherchais un accord, dit Klet d'un ton résigné. Je ne sais pas s'il existe vraiment. Je ne t'en ai pas parlé parce que je ne voulais pas que tu comprennes mal et penses que je faisais allusion à une conspiration.

- Quel accord ? demanda le soldat.
- Le « Contrat de développement de l'Arbre de Vie », répondit Klet. D'après les rumeurs, les ancêtres du peuple Marg l'auraient signé avec les ingénieurs et ouvriers qui ont construit l'Arbre de Vie à l'époque. L'accord stipulerait que tout le monde a un accès égal à l'énergie, indépendamment de son statut social.

Il n'avait pas l'air de raconter une histoire inventée, si bien que Shen Siwei baissa légèrement sa garde et demanda

- Pourquoi je n'en ai jamais entendu parler ?
- Parce que c'est une légende, personne ne sait vraiment s'il existe, répondit Klet. Les Rossignols m'ont demandé de chercher ce contrat. Au début je ne voulais pas aider, mais comme je devais t'accompagner aux ruines, autant jeter un œil.
- Alors tu as choisi le centre-ville comme premier arrêt, dit Shen Siwei, parce que tu pensais y trouver cet accord ?

Il y avait beaucoup de bâtiments importants là-bas, et il semblait que pendant son sommeil, le fugitif avait déjà fouillé un peu.

- Oui, fit Klet en haussant les épaules. Mais je n'ai rien trouvé.
- Alors pourquoi as-tu pensé que ça pourrait être ici ? demanda Shen Siwei. Les ruines du Sud sont immenses ; on ne trouve même pas facilement deux personnes vivantes comme Amor et Li, alors un accord légendaire...
- Parce que le propriétaire de ce bureau est spécial, dit Klet en braquant sa lampe autour de la pièce. Je te l'ai déjà dit, j'aime explorer. Il y a six ou sept ans, je suis tombé par hasard sur un plan de conception dans ce bureau.
- Un plan de conception ? répéta Shen Siwei.
- Le plan d'une station énergétique sous-marine, dit Klet.

À l'entente de cela, une lueur d'étonnement traversa les yeux de Shen Siwei. Il pensa aussitôt à la façon dont Moran voulait extorquer à Klet des informations sur l'accès aux profondeurs marines ; toute la chaîne d'événements semblait reliée aux abysses.

- Tu devrais savoir qu'il y a des créatures gigantesques dans les profondeurs, continua Klet. Mais elles n'attaquent pas activement les humains.
- Attends, l'interrompit Shen Siwei, ce n'est pas un fait admis que des créatures géantes attaquent les humains ? Sinon, l'armée n'aurait pas été incapable d'accéder aux profondeurs si longtemps.
- Non, secoua la tête Klet, elles n'attaquent pas les humains, elles attaquent la lumière. Tant que tu n'as aucune source lumineuse sur toi, elles ne te remarquent pas.

Donc... Voilà pourquoi Klet pouvait atteindre le fond de la mer ?

Moran cherchait la même chose sans imaginer que la réponse soit si simple.

Shen Siwei, reliant les pièces du puzzle, dit, incrédule :

- Tu as trouvé le plan de la station sous-marine ici, puis tu es allé seul réparer la conduite endommagée dans la station ? Tu as détruit toutes les sources lumineuses et depuis, les créatures géantes n'attaquent plus.

Klet répondit

- C'est exact.

L'Arbre de Vie avait été construit il y a plus de cent ans, et la station énergétique des profondeurs avait commencé à fonctionner à cette époque.

- Tu as eu du cran, commenta Shen Siwei, comment savais-tu que les créatures ne s'attaquaient qu'à la lumière ?
- Tu te souviens de l'ami dont je t'ai parlé ? dit Klet. Quand il m'a sauvé, je n'avais que cinq ans. À l'époque, pour fuir, je suis passé du canal artificiel jusqu'aux profondeurs marines. Je ne connaissais pas encore la théorie des "créatures géantes qui attaquent les humains".
- Toi... Shen Siwei resta un instant interdit. Tu es allé dans un endroit aussi dangereux à cinq ans ?
- Parce que je ne savais pas, répondit simplement Klet.

Son ton était désinvolte, mais en y réfléchissant, on saisissait la cruauté de l'expérience : un gamin qui, pour échapper au danger, avait plongé vers un lieu où même les adultes n'osaient pas s'aventurer.

Mais tout s'éclairait. Il avait exploré la mer profonde dès son enfance, et sans doute y était-il retourné à plusieurs reprises par la suite, s'habituant aux comportements des créatures géantes. Plus tard, en fouillant les Ruines du Sud, il avait trouvé dans ce bureau le plan de la station sous-marine, puis il y était retourné pour réparer la conduite.

Et ensuite, il y avait eu cet événement, cinq ans plus tôt.

Moran savait forcément que la station avait été remise en service, mais il ignorait que l'écosystème marin était resté le même. Il avait envoyé plusieurs escouades sonder les profondeurs, et toutes avaient été massacrées par les créatures, parce que personne n'aurait pensé à plonger dans l'obscurité totale, sans lumière.

- Tu arrives à distinguer l'environnement dans les profondeurs ? demanda Shen Siwei.
- Oui, répondit Klet. Mieux vaut y aller en journée. Ma vision est bonne.

Sa robustesse n'étonna pas Shen Siwei. Il se tut un instant, puis reprit :

- Tu m'as dit que j'avais appris que tu avais réparé la station énergétique sous-marine, il y a cinq ans.
- Oui, confirma Klet. Juste avant que l'armée ordonne le bombardement.
- Et, ajouta le soldat après une pause, tu as dit que le propriétaire de ce bureau est spécial.
- Oui. Celui qui avait le plan de conception de la station sous-marine devait avoir participé à la construction de l'Arbre de Vie. C'est pour ça que je pensais trouver l'accord ici.

Shen Siwei pinça les lèvres et baissa les yeux vers les quatre caractères gravés sur la porte : « Ingénieur en chef ».

Il dit lentement :

- C'était le bureau de ma mère.

J'ai fini de traduire le premier arc de Mo Du 😭🎉🎊.

Je dois encore tout relire pour peaufiner. Ensuite relire pour noter chapitre par chapitre les indices et avancées de l'enquête pour les gens voulant jouer les détectives. Ou simplement pour celles et ceux qui veulent être sûr.es d'avoir tout saisi.

En attendant vous pouvez retrouver tout ce qu'il y a à savoir sur l'œuvre, les personnages, le pairing, les TW etc ici

 

 

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