Silent Reading : Chapitre 11 - Julien XI
Cr. @弦鱼干
Attention : J'ai partagé 2 chapitres aujourd'hui. Le 10 et le 11 ! Ne vous trompez pas d'ordre.
Luo Wenzhou planta son regard dans le sien.
— « Feng Nian… ou Feng Niange ? »
—
« Je ne sais pas… Ça sonnait comme ça, mais il avait un petit accent.
J’ignore quels caractères c’était, ni même si le dernier était une
formule d’adresse ou une partie du nom », répondit Zhang Ting, un peu
perdue. « Ce soir-là, il était tard. Il est apparu soudainement, avec un
sourire obséquieux et des paroles bizarres. Il avait l’air un peu
cinglé, et j’étais seule, j’avais peur, alors je n’arrêtais pas de
répéter que je ne le connaissais pas. J’ai voulu le contourner… »
Luo Wenzhou demanda :
— « C’était quand ? »
—
« Il y a quelque temps », dit-elle. « À cette époque, il y avait un
exhibitionniste un peu dérangé qui traînait près de notre société.
Beaucoup de gens l’avaient croisé. Notre patron n’osait même plus nous
laisser faire d’heures supplémentaires, mais j’avais un dossier à finir
ce jour-là, alors je suis restée plus tard. Quand je suis descendue, il
n’y avait déjà presque plus personne, et j’avais peur. Sans ça, je
n’aurais pas appelé mon frère pour qu’il vienne me chercher. »
Fei Du, repensant au livreur croisé au café et ne comprenant plus grand-chose, ne put s’empêcher d’intervenir :
— « Et après ? Il t’a importunée ? »
Elle hocha la tête.
—
« J’ai vu mon frère arriver, alors j’ai traversé la rue pour les
rejoindre. Mais l’autre s’est mis à me suivre. J’ai paniqué, j’ai couru
et crié : “Qui êtes-vous ? Je ne vous connais pas !”. Mon frère a dû croire que c’était un délinquant, alors il l’a frappé. »
— « He Zhongyi, l’homme sur la photo, a-t-il répliqué ? » demanda Luo Wenzhou.
— « Non », avoua Zhang Ting en baissant les yeux, comme incapable de
continuer. « Il s’est juste couvert la tête et a esquivé. J’ai alors vu
qu’il paraissait assez jeune. J’ai pensé que j’avais réagi de façon
excessive et j’ai vite arrêté mon frère. »
Fei Du leva légèrement les yeux.
— « Tu as dit "les" rejoindre. Qui d’autre était là ? »
— « Mon petit ami conduisait. Mon frère était un peu pompette. »
—
« Je vois », dit Fei Du, affichant une déception digne d’un Oscar. «
Pourquoi toutes les filles bien ont déjà un petit copain ? Qui est donc
ce chanceux ? »
Luo Wenzhou fronça les sourcils devant cette diversion absurde, mais ne l’interrompit pas.
Zhang Ting rougit à ces sous-entendus.
— « C’est Zhao Haochang, du cabinet Rongshun. Tu le connais aussi, non ? »
— « Maître Zhao, de Rongshun ? » dit Fei Du d’un ton faussement
détaché, en jetant un regard vers Luo Wenzhou. « Pas étonnant que cet avocat soit
arrivé si vite. »
Le capitaine revint au sujet :
— « Et après ça ? Vous avez revu He Zhongyi ? »
Zhang Ting secoua la tête. Puis, le regard implorant, elle balbutia :
— « Capitaine Luo, mon frère n’a pas pu tuer quelqu’un. »
L’expression de Luo Wenzhou se détendit.
— « Si votre frère n’a rien fait, personne ne l’accusera à tort. Même si on était assez tordus pour désigner quelqu’un au hasard, on n’irait pas choisir le neveu de notre ancien directeur général, pas vrai ? Soyez tranquille, si votre frère est innocent, il ne risque rien ici. »
Mais ces mots ne rassurèrent pas la jeune femme. Son bon à rien de frère n’était pas simple à défendre. Même en répétant qu’il “n’avait pas pu”, au fond, elle n’en était pas sûre.
— « Entrez faire votre déposition », l'invita Luo Wenzhou. « Je vais appeler Lang Qiao. Dites-lui simplement la vérité, et tout ira bien. »
Avant qu’il ait fini, Fei Du s’était déjà avancé légèrement devant Zhang Ting et lui fit signe comme on calme un enfant.
— « N’aie pas peur. Je viens avec toi », lui souffla-t-il doucement.
Cette façon de jouer au protecteur auprès de la petite sœur de quelqu’un d’autre, de la couver comme un futur beau-frère… Luo Wenzhou ne supportait pas ce style bourgeois décadent, à draguer tout ce qui bouge sans raison. Il eut envie de ricaner, mais, de peur de troubler encore la jeune fille, il se retint.
Fei Du accompagna Zhang Ting dans les locaux du Commissariat Central et s’installa, un gobelet en carton à la main, pendant qu’elle faisait sa déposition.
Au bout d’un moment, Luo Wenzhou s’approcha nonchalamment et s’assit à côté de lui.
— « Vous autres, toujours à dégainer un avocat au premier pépin… Vous nous mettez dans une drôle de position. »
— « Ce n’est pas moi qui l’ai fait venir », répondit Fei Du.
Luo Wenzhou s’étonnait qu’il emploie enfin un langage humain pour se défendre, quand il ajouta aussitôt une phrase plus tordue :
— « Si Zhang Donglai avait tué quelqu’un et que je voulais l’innocenter, je n’aurais pas besoin de cet avocat inutile. Je vous fournirai un autre meurtrier. »
Avec Tao Ran, Fei Du montrait toujours son côté sage, respectueux des lois ; avec lui, c’était l’inverse, uniquement la face sordide et sombre. De toute façon, ni l’un ni l’autre ne sonnaient comme la vérité. Luo Wenzhou ne savait jamais quand il était sincère.
—
« Tu crois que l'argent peut tout », dit celui-ci, l'expression sévère
mais la voix traînante, dans un entre-deux entre la plaisanterie et le
sérieux. « Camarade, tes idées sont très dangereuses. »
— « S'il ne peut pas tout, c'est simplement que tu n'as pas assez d'argent », répliqua Fei Du sans ciller. « Où est Tao Ran ? »
—
« Merci bien, président Fei, de nous avoir montré la voie », ironisa Luo
Wenzhou. « Mais ta méthode ne vaut rien légalement. Je l’ai envoyé
chercher des preuves exploitables. »
C’était dit de façon si allusive qu’un espion en aurait perdu le fil. Mais Fei Du comprit : il parlait des mégots. Même trouvés vite, ces objets restaient d’origine douteuse. Quand bien même Luo Wenzhou lui ferait confiance, ce ne serait pas le cas du tribunal. La police devait suivre ses propres pistes pour trouver d'autres indices.
— « Mais si je n’y avais pas touché, vous n’auriez pas pu les récupérer, dit Fei Du en haussant les épaules. Vous n’auriez même pas pu établir l’identité de la victime. On m’a dit un jour que “tout ce qui arrive dans ce monde laisse une trace. La trouver dépend seulement de la chance.” Est-ce que tu en as, cette fois ? »
Luo Wenzhou se figea soudain. Les joutes, les piques et les sous-entendus disparurent de son visage ; un instant, la commissure de ses lèvres se crispa même légèrement. Il sortit machinalement son paquet de cigarettes, puis le remit en poche.
Le silence tomba entre eux, lourd. Ils restèrent assis côte à côte, à un mètre de distance, comme deux étrangers.
— « Portes et fenêtres verrouillées. Aucune trace d’effraction. Le système de sécurité le plus avancé de l’époque intact », dit brusquement le capitaine.
Sa voix basse débitait des faits comme une litanie apprise par cœur.
— « Elle s’était maquillée, changée et avait mis de la musique. Une scène presque rituelle. Une lettre de suicide, posée sur le secrétaire. L’analyse a confirmé que c’était bien son écriture. Le contenu évoquait une dépression, cohérente avec ses antidépresseurs quotidiens. Elle était majeure. Sans handicap ni blessure. Aucun produit soporifique dans son corps. Aucune trace de lutte. Voilà toutes les preuves que nous avions. C’est toi qui as signalé l’affaire. Tu étais sur place avant nous. À moins d’avoir dissimulé des indices, c’était sans l’ombre d’un doute un suicide. »
Fei Du ne répondit pas. Sa posture paraissait relâchée, jambes croisées, buste penché en avant, une main sur le genou, l’autre tenant son gobelet vide. Ses longs doigts tapaient un rythme muet, comme si une mélodie secrète emplissait l’air.
— « Je t’ai dit alors: tout ce qui arrive en ce monde laisse une trace. Mais sans preuve, aussi forte que soit ta conviction, ça reste une impasse. » Luo Wenzhou continua, le ton calme. « Ton ressenti ne suffit pas. Mon intuition à moi me dit chaque jour que je vais devenir millionnaire. »
Son regard s’arrêta sur les doigts du jeune homme, puis il ajouta d’un ton presque neutre :
— « Tu sais, il existe une théorie. Quand quelqu’un veut mettre fin à ses jours, il peut trouver une façon détournée de le “confesser” à ses proches. Tu as entendu cette confession, à l’époque. »
Les doigts de Fei Du se figèrent.
Luo Wenzhou lui ôta le gobelet des mains et le posa à côté.
— « Si tu tiens à rouvrir ce dossier avec moi, je maintiens mes conclusions. Mais de toute façon, peu importe qui juge : elle est morte depuis sept ans. On juge une vie à la fermeture du cercueil. Les preuves, elles, se sont évanouies. Ça sonne mal, mais si elle s’était réincarnée, elle serait déjà en primaire. Les vivants peuvent s’accrocher, ça les soutient. Mais s’entêter dans la mauvaise direction ne mène nulle part. »
Fei Du resta immobile, figé comme une statue.
Juste alors, Zhang Ting et l’avocat réapparurent. Son regard s’anima aussitôt, une pointe d’énergie revenant dans ses yeux.
— « Je n’accepte pas vos conclusions, Officier Luo », dit-il.
Luo Wenzhou ne fut pas surpris. Il haussa les épaules.
Fei Du remit sa veste en ordre, se leva pour accueillir Zhang Ting et l'avocat.
Il ne souriait pas, l’expression sombre.
— « Mais peut-être y a-t-il du vrai dans vos conseils. »
Cette phrase surprit Luo Wenzhou. Mais déjà, Fei Du avait réajusté son masque gracieux et repartait avec la sœur de son ami.
Ils n’échangèrent plus un mot.
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Fei Du venait à peine d’ouvrir la portière pour Zhang Ting qu’une voiture de police s’arrêta devant la grille du Commissariat Central. Le conducteur descendit, montra le bâtiment et dit quelques mots. Une femme mince d’âge moyen sortit alors en titubant, la bouche entrouverte, le visage figé entre peur et stupeur.
Elle s’agrippait à la portière ; le coton imprimé de son pantalon frémissait autour de ses jambes fines comme des tiges de sésame. Accrochée à la main de son accompagnant comme à une bouée de sauvetage, elle fit quelques pas chancelants, s’accroupit lentement et laissa échapper un sanglot étranglé. Puis, après une brève pause, sa voix éclata en hurlements hystériques. Les passants s’immobilisèrent, certains levaient déjà leur téléphone.
Le front de Fei Du se plissa. À côté de lui, l’avocat chuchotait à Zhang Ting :
— « Leurs soi-disant “sérieux soupçons” ne reposent sur rien de solide. Je reste ici pour surveiller la situation. Ils seront obligés de le relâcher. »
— « La mère de He Zhongyi souffre d’urémie, expliqua vite Lang Qiao à Luo Wenzhou. Elle doit être dialysée en permanence. Son fils était leur seul revenu. »
Les pleurs de la mère éplorée s’entendaient jusqu’à leurs bureaux. La jeune femme fronça les sourcils, visiblement à bout :
— « Elle va tenir, à hurler comme ça ? Elle est déjà malade, j’ai peur qu’il lui arrive quelque chose. »
Luo Wenzhou n’eut pas le temps de répondre.
Un agent surgit en courant :
—
« Chef, comme on pense que le meurtrier a déplacé le corps et que le
sous-bureau manque de moyens, ils veulent nous confier l’affaire 520. »
—
« Capitaine Luo, l’avocat conteste sans cesse la procédure
d’arrestation. Nous n’avons pas assez de preuves contre Zhang Donglai.
Devons-nous le relâcher ? »
— « Chef Luo… »
Luo Wenzhou fit un geste de la main pour couper court à ce brouhaha.
Au milieu des sanglots de la mère de He Zhongyi, il décrocha son téléphone :
— « Tao Ran. Je t’écoute. »
— « J’ai les images de surveillance du bus 34. »
À lundi pour Top Edge.
🕵️♂️ Récapitulatif de l’enquête
Chapitre 11
Nouveaux personnages :
🔸 La mère de He Zhongyi : gravement malade, dépendante de son fils, effondrée en apprenant son décès.
Informations découvertes :
🔸 Zhang Ting confirme avoir rencontré He Zhongyi qui lui a demandé si elle connaissait quelqu’un nommé Feng Nian / Feng Niange, avec un accent rendant le nom incertain. Zhang Donglai était présent ce soir-là et a frappé He Zhongyi, pensant défendre sa sœur.
Pistes émergentes :
🔸 Identifier la personne nommée “Feng Nian / Feng Niange” : possible contact de la victime, lien encore inconnu.
🔸 Tao Ran récupère enfin les images de surveillance du bus 34, potentielle avancée majeure.



Je n'aime pas l'avocat, je sais qu'il apparaît juste un instant mais je le sens pas 😑
RépondreSupprimerMon petit duo chien/chat se porte toujours bien j'ai hâte de lire plus d'interaction entre-eux et de voir un rapprochement !
En même temps c'est un avocat hein.... Avocat pour riches en plus 😒
SupprimerIls sont en formes effectivement ! Enfin avec Fei Du on ne sait jamais vraiment, mais on peut dire que face à Wenzhou, il a toujours la pêche 🤭