Top Edge : Chapitre 57 - Tu es encore plus désobéissant que je ne le pensais

 

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Attention, j'ai publié deux chapitres aujourd'hui donc n'oubliez pas de lire le 56 avant 

 

 

 

 

 

District Sud, Cité X, Quartier Général des Rossignols

Dans le bureau faiblement éclairé, plusieurs personnes étaient assises derrière une longue table, le regard fixé sur Leizhe, debout à côté de la projection.

— Voici la situation actuelle. La nouvelle de l’accord a circulé vite, et les autorités sont déjà dessus.

Il s’appuya au bord de la table, croisant les bras.

— Vous avez quelque chose à ajouter ?

Un jeune homme, encore un peu juvénile, prit la parole :

— Toujours aucune nouvelle de mon frère ?
— Knock, j’ai déjà demandé à mon capitaine de chercher Avis pour moi.
— Je sais, répondit Knock en fronçant les sourcils. Mais être négociateur, c’est dangereux aussi, non ?

Leizhe poussa un soupir lourd. Il tourna la tête vers celui qui n’avait pas décroché un mot depuis le début.

— Klet, ça va ?

Klet, totalement ailleurs, sembla seulement entendre son nom. Il leva les yeux, un peu dans le vague.

— Ça va.
— Continuons à avancer, intervint Malken. Le négociateur n’est plus sous le contrôle de la puce, alors il devrait s’en sortir.
— Très bien.

Leizhe se redressa, posant nonchalamment les mains sur sa taille.

— Ensuite, on publie officiellement les détails de l’accord. Avec un peu de chance, les médias coopéreront.

Mettre en place la scène prendrait dix minutes, pas plus. Le trajet retour ajouterait environ vingt minutes. En clair, il restait à Shen Siwei une petite demi-heure.

⸻

Chez Moran…

Shen Siwei s’appuyait contre le mur, avançant trois pas avant de souffler, puis cinq avant de s’arrêter. Même s’il commençait à s’habituer à l’asphyxie chronique, sa vitesse n’en gagnait pas un millimètre.

Au tournant d’un couloir, il aperçut enfin un escalier menant à l’étage supérieur. Il avait fini par comprendre les grandes lignes du sous-sol, mais retrouver Amor s’avérait autrement plus compliqué.

Sous cet escalier, une porte entrouverte laissait filtrer une faible lumière bleue, un atelier, apparemment. Peut-être des indices. Il consulta l’heure. Déjà six ou sept minutes depuis la chambre. Il poussa la porte. Devant lui : un minuscule local tapissé d’écrans de surveillance, dont l’un affichait la chambre qu’il venait de quitter.

La « collection » de Moran était vaste.

Une pièce remplie de poupées en silicone à l’échelle humaine, vêtues de costumes somptueux. Les autres, elles, contenaient de vraies personnes identiques à Shen Siwei. Il en compta six ou sept, aux visages parfaits. Parmi elles, Amor et Avis.

— Pervers, souffla-t-il.

En suivant le réseau de caméras, il trouva enfin la pièce où se trouvaient les deux hommes.

Après avoir forcé un autre verrou, il s’effondra au sol, la porte ouverte derrière lui. Amor était assis sur un sofa, recroquevillé, une couronne de paille sur la tête, vêtu d’un costume romain. Une statue qui respirait à peine.

— Amor… haleta Shen Siwei.

Pas de réaction. Pas même un battement de paupières. Tout juste la respiration qui montait et descendait.

— C’est dangereux ici. On doit partir.

Rien.

— J’ai vu Li.

Cette fois, une lueur. Amor leva lentement les yeux.

— Il est déjà mort, murmura-t-il, la voix sèche, étranglée.

Shen Siwei sentit une pointe de douleur : il imagina Klet s’effondrer sous une balle. Mauvaise idée, la suffocation revint d’un coup. Il la repoussa.

— Je sais que tu souffres. Mais pour venger Li, on doit sortir d’ici.

Amor détourna le regard.

— Ça ne sert plus à rien. Ce monde est déjà perdu.

Voilà qui compliquait tout. Shen Siwei n’avait ni le temps, ni les forces de le raisonner. Sans sa coopération, impossible de le traîner dehors.

Il abandonna — provisoirement — et repartit chercher Avis.

Troisième verrou forcé, troisième chute. Le souffle déchiré, la vision trouble.

Une silhouette se précipita.

— Négociateur ?!

Avis l’aida à se redresser. Shen Siwei agrippa son bras, tenta de stabiliser son souffle.

— On y va.

Avis était en qipao. Les bras et les cuisses zébrés de cicatrices.

— Pourquoi tu es ici ? demanda-t-il en le soutenant. Je peux marcher, t’en fais pas.
— Je vous cherchais, toi et Amor.
— Amor ?
— Pas le temps. Moran va revenir. Aide-moi à le tirer dehors.
— Ok. Il fait partie de la collection, lui aussi ?
— Oui.

Amor avait tout du Marg classique : sourcils épais, grands yeux, arête du nez haute. Et Moran avait un faible pour les belles pièces. Rien d’étonnant qu’il l’ait enfermé ici, affublé d’un costume de statue grecque.

— Ce taré… grommela Avis. Incapable de bander, il passe son temps à maltraiter les autres.
— Il ne peut pas ? répéta Shen Siwei, surpris.
— Non. C’est bien pour ça que je me suis retrouvé là. Je voulais trouver l’Accord du Développement de l’Arbre de Vie, alors j’ai tenté de m’infiltrer en haut. Leizhe savait où Moran passait ses vacances, je me suis déguisé en personnel de service… et voilà. Coincé.

Shen Siwei hocha faiblement la tête.

— Pour l’accord, pas besoin de continuer à chercher. Les Rossignols l’ont déjà.
— Sérieux ? Ah, putain, tant mieux. Je rêve de tuer ce connard de Moran.

Ils arrivèrent devant Amor. Celui-ci les regarda une seconde, avant de replonger dans son mutisme.

— Ton père m’a envoyé, dit Shen Siwei. Je ne partirai pas sans toi.
— Mon père… répéta Amor, avec un sourire triste. On n’échappe jamais vraiment à cette famille, hein.

Avis tenta de le tirer. Refus net.

— Me touche pas.
— Moran va revenir. Tu veux finir tes jours ici ? lança Avis.
— Ça n’a plus d’importance.

Avis échangea un regard paniqué avec Shen Siwei qui s’avança.

— C’est Moran qui a tué Li. Comment crois-tu qu’il réagirait, s’il te voyait te laisser enfermer par son meurtrier ?
— Non. C’est de ma faute s’il est mort. S’il ne m’avait pas connu, il…

Clac.

Le souffle d’Amor s’interrompit. Shen Siwei venait de le gifler.

Pas fort. Juste assez pour le réveiller.

— Tu es la victime. Arrête de te charger de tout. Tu crois quoi ? Qu’en restant ici, tu vas arranger les choses ? Tu veux rendre justice à Li ? Alors sors d’ici et laisse ta colère faire le reste.
— Je… Je n’ai pas de colère…
— Conneries. J’ai lu ton journal. Tu en as à revendre.

Silence. Shen Siwei jeta un œil à l’heure. Plus de vingt minutes. Ils n’avaient plus de marge.

— Avis, emmène-le.

Amor se laissa finalement relever. Avis dut supporter Shen Siwei en plus ; deux blessés, un épuisé, et le couloir semblait interminable.

Arrivé près de l’escalier, Shen Siwei vacilla. Avis suivit, et ils tombèrent ensemble.

Amor se précipita.

— Ça va ?!

Le temps pressait. Shen Siwei prit sa décision.

— Partez.
— Et toi ? demanda Avis.
— Je vous ralentis. Moran ne doit pas vous rattraper. Et… je ne peux pas sortir de ce bâtiment. Je n’arrive pas à respirer dehors.

Il souleva le poignet d’Amor, activa son communicateur, envoya leurs coordonnées à Miller en espérant que ça passe malgré le peu de réseau.

— Il y a des véhicules dans le garage, dit soudain Amor. Je peux te porter.

Il s’abaissa et installa Shen Siwei sur son dos. La progression devint enfin rapide. Ils atteignirent l’escalier en quelques secondes.

Puis une voix résonna :

Reconnaissance réussie.

L’ascenseur s’ouvrit à l’étage supérieur. La lumière découpa une silhouette en bottes militaires. L’ascenseur se referma. Silence retombé. Noirceur totale.

Shen Siwei bondit hors du dos d’Amor et les repoussa derrière lui.

Click.
Click.
Click.

Les pas résonnaient comme s’ils s’imprimaient directement sur sa cage thoracique. La sueur lui coulait dans le cou, glacée. L’asphyxie remontait, sournoise.

Click.
Click.
Click.

Les deux derrière lui retinrent leur souffle. Les pas s’arrêtèrent au palier. Moran se pencha légèrement, dominant la scène depuis l’ombre.

— Hm.

Il comprit en un instant. Un sourire effleura ses lèvres.

— Shen Siwei, tu es encore plus désobéissant que je ne le pensais.

 

 

 

 À demain pour Mo Du.

 

 

 

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